Lors des dernières foires aux vins, des bouteilles étaient vendues moins de deux euros. 2:40
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Stéphane Place, édité par Jonathan Grelier , modifié à
Pendant les foires aux vins du printemps, deux bouteilles de vins de Bordeaux étaient vendues deux euros la bouteille, au grand dam des viticulteurs bordelais, qui souffrent économiquement de ces prix proposés par la grande distribution. "On ne s'en sort plus", alerte le vigneron Franck Dufils dimanche sur Europe 1. 
INTERVIEW

Touchés récemment par l'épisode de gel extrême, les viticulteurs bordelais ne décolèrent pas. Pendant les foires aux vins de printemps, leurs vins ont été vendus à des prix cassés, avec des bouteilles commercialisées à moins de deux euros l'unité. Excédés, ces professionnels ont manifesté en mars devant le Lidl de Libourne, en Gironde, pour dénoncer les pratiques de ce distributeur. "Dans les supermarchés, la bouteille de mon vin, je l'ai vue exactement à 1,67 euro. On a l'impression de travailler pour rien ! On ne s'en sort plus", s'emporte le vigneron Franck Dufils dimanche sur Europe 1. 

"Des gens profitent d'une situation pour mettre la tête sous l'eau des vignerons"

Le dégustateur de La revue du vin de France et chroniqueur d'Europe 1 Olivier Poels précise que les "vins à ces prix ne sont pas les vins issus des plus grands terroirs de Bordeaux". "Néanmoins, aujourd'hui, on est capable de faire techniquement des vins qui sont propres et buvables" à ces tarifs, souligne-t-il. Mais ces prix cachent tout de même un gros problème. "Ce n'est pas le prix que visent les vignerons", confirme Olivier Poels. "Le problème, c'est qu'aujourd'hui vous avez des gens, des négociants ou des revendeurs de la grande distribution, qui profitent d'une situation pour mettre la tête sous l'eau aux vignerons", affirme le spécialiste.

Au micro d'Europe 1, le directeur des achats de Lidl, Michel Biero, dit comprendre la colère des viticulteurs mais rappelle que la situation actuelle résulte d'un phénomène économique et que son enseigne n'est pas la seule à respecter cette logique économique évoquée. "Le Bordeaux vrac, tout le monde le vend à 1,69 euro depuis des mois et des mois. Je veux bien remonter le prix, mais est-ce qu'on va en vendre autant de volumes ?" s'interroge-t-il. "Il faut savoir qu'on a écoulé plus de 500.000 bouteilles" sur une semaine, par exemple, grâce à ce prix, poursuit-il. "Si demain, je mets la même bouteille à 2,99 euros, je ne suis pas sûr de revendre 500.000 bouteilles."

"Ces volumes doivent être écoulés" 

"Toute la distribution vend (ces vins à) ce prix d'1,69 euro ou en-dessous de deux euros", ajoute-t-il. Alors que la fermeture des restaurants à cause du Covid-19 a limité les débouchés de leur production, "les cuves des viticulteurs qui font du Bordeaux de vrac sont pleines et ces volumes doivent être écoulés parce que la vendange prochaine arrive", fait valoir Michel Biero. Ce dernier se dit prêt à s'asseoir autour d'une table avec les viticulteurs et les négociants pour envisager des solutions. 

Reste qu'en attendant, les vignerons souffrent. "Quand on remonte trois ans en arrière, on vendait sur une base de 1.300 à 1.400 euros le tonneau. Depuis deux ans, les cours se sont écroulés : c'est 700 à 800 euros maximum", témoigne Franck Dufils. Viticulteur depuis 31 ans, il craint de connaître son dernier millésime à cause des mauvais résultats de son entreprise. "Il ne reste que ces solutions : vendre ou être saisi…"