À Montrichard, les restructurations secouent les habitants : "Le coronavirus, c'est une bonne excuse..."

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Elise Denjean, édité par Margaux Baralon , modifié à
Le nouveau gouvernement de Jean Castex veut renouer le lien entre Paris et "les territoires", parfois en souffrance. Europe 1 est allé à Montrichard, dans le Loir-et-Cher, où les restructurations en chaîne risquent d'abîmer durablement le tissu économique et la vie locale.
REPORTAGE

Ne pas laisser un seul jeune au bord de la route... et revenir au plus près du terrain. Voilà les promesses du gouvernement de Jean Castex. Le successeur d'Edouard Philippe, qui n'a que le mot "territoire" à la bouche pour tracer le "nouveau chemin" promis par Emmanuel Macron (il l'a prononcé plus de 20 fois lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée, le 15 juillet), a d'ailleurs été choisi précisément pour cela. Mais l'ambition de l'exécutif se heurte à une réalité difficile : les territoires sont parfois souffrance. Reportage à Montrichard, commune de 4.000 habitants meurtrie par les restructurations et les plans d'économies.

Ici, dans le Berry, deux plans de restructuration ont porté un coup sévère au tissu économique. Celui des laboratoires Boiron, d'abord, qui emploient 80 personnes sur place mais font face au déremboursement de l'homéopathie. Dans la commune d'à côté, c'est l'équipementier aéronautique Daher, 350 salariés, qui essuie les plâtres de la crise traversée par Airbus. Dans certaines familles, comme celle de Richard, c'est la double peine. Lui travaille chez Daher, sa compagne dans l'usine Boiron. "La nouvelle, on l'a reçue un peu violemment", confesse-t-il. "On en gère deux. C'est difficile à vivre, donc on se sert les coudes."

"Le coronavirus est une bonne excuse"

Dans les deux cas, le sentiment de gâchis domine. Chez Boiron, on ne comprend pas la volonté de fermer une usine rentable. Chez Daher, on se pensait à l'abri grâce à un savoir-faire unique. Mais l'équipementier aéronautique veut concentrer sa production sur les usines de Nantes et Tarbes. "Le sentiment c'est du dégoût", souffle Benoît, également salarié chez Daher, qui a l'impression d'être "lâché" par son employeur.

"Il nous donne l'excuse de devoir réduire ses coûts de structure pour, en fait, réinvestir ensuite sur d'autres sites de production. Le coronavirus, c'est une bonne excuse pour se délester du site du Saint-Julien. Certes, il se trouve dans une région qui n'est pas la plus attrayante d'un point de vue industriel, mais dans laquelle on peut trouver du savoir-faire et des gens qui mettent du cœur à l'ouvrage." Cette mise en concurrence des sites et des territoires, insupportable à ses yeux, va l'obliger, comme d'autres salariés, à faire un choix difficile : celui de quitter ou non sa région pour du travail.

"Qu'est-ce qu'on devient ? Des gestionnaires de cimetière ?"

L'onde de choc de ces fermetures et restructurations se ressent sur tout le territoire. "Cela va engendrer des drames humains", craint Michel Leplard, le maire de Saint-Julien de Chédon, où se trouve l'usine Daher. "On va être obligés de gérer de la misère ici, maintenant." L'édile s'attend à un terrible effet domino si les salariés devaient quitter la ville. "Cela va toucher les commerçants. Imaginez une petite commune comme la nôtre, si les gens s'en vont, cela veut dire qu'on va devoir fermer des écoles. Qu'est-ce qu'on devient, nous, simple élus, ici ? Des gestionnaires de cimetière ?"

Tous les élus locaux appellent donc le gouvernement à agir rapidement. Le député de la circonscription, Stéphane Baudu, réclame notamment que les aides publiques soient conditionnées au maintien de l'emploi sur le territoire.