Présidentielle : pour les candidats, une vision très économique de l'Europe

Candidats à la présidentielle Europe
Les onze candidats s'attardent sur la situation économique de l'Europe. © AFP / Europe 1
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Clément Lesaffre , modifié à
Chaque candidat à l’élection présidentielle a sa propre vision de l’avenir de l’Union européenne. Mais tous la regardent à travers le prisme économique.

Samedi, l’Union européenne célébrait les 60 ans du Traité de Rome, acte fondateur de cet espace qui lie aujourd’hui 28 pays. Mercredi, le Royaume-Uni enclenchait officiellement son Brexit. En moins d’une semaine, la question de l’avenir de l’UE est revenue sur la table à deux reprises. Et elle continuera de se poser en France par le biais de l’élection présidentielle. Quelle direction donner à cette construction commune de plus en plus décriée ? Les onze prétendants à l’Élysée ont tous leur opinion sur le sujet. Mais qu’ils soient européens convaincus, sceptiques ou partisans d’un "Frexit", tous envisagent d’abord l’Union européenne à travers le prisme économique.

Modeler une économie européenne plus intégrée

A commencer par Emmanuel Macron. Le plus européiste des candidats propose toute une série de mesures pour améliorer le fonctionnement de l’Union européenne, dont une large partie relève de l’économie : évolution du droit de la concurrence, budget et gouvernance de la zone euro, mécanisme de contrôle des investissements étrangers… Entre les lignes, on comprend que le candidat d’En Marche ! croit fermement à la nécessité de renforcer l’intégration au sein de l’UE, à condition qu’elle soit plus équilibrée qu’aujourd’hui.

Un "Buy European Act". Emmanuel Macron défend également un "Buy European Act" pour donner la priorité des commandes publiques aux entreprises européennes. Une réponse au "Buy American Act" des États-Unis que réclame aussi Benoît Hamon. Le candidat socialiste est partisan d’une réciprocité dans le comportement économique entre l’Union européenne et ses partenaires. Puisque la Chine pratique le dumping social et que les États-Unis menacent de remettre le protectionnisme au goût du jour, alors l’Europe doit se protéger également.

Benoît Hamon milite donc pour le "juste échange" et veut mettre en place un plan d’investissement de 1.000 milliards d’euros pour la transition économique et écologique. Le candidat ambitionne aussi de doter la zone euro d’une nouvelle gouvernance représentative qui devra mutualiser les dettes souveraines. Finalement, alors que son programme pour la France laisse beaucoup de places pour les questions de société, le projet de Benoît Hamon pour l’Europe est résolument plus économique (six mesures sur les dix proposées), centré sur la fin de l'austérité.

Gouvernance de la zone euro. Mieux gouverner la zone euro, c’est l’ambition de François Fillon. Le candidat Les Républicains, plus mesuré que Hamon et Macron, veut un directoire politique et un secrétariat général pour assurer la gestion économique de la zone euro. Comme Emmanuel Macron, il veut réformer le droit de la concurrence pour aider les agriculteurs français à vivre de leur activité. Plus singulier, François Fillon, propose de "créer un Fonds monétaire européen pour permettre à l’Europe d’être indépendante du FMI". Là s’arrête la liste des candidats qui gardent confiance dans la capacité de l’Europe à soutenir le développement de la France. A noter que tous trois veulent réviser la législation européenne sur les travailleurs détachés.

Négocier une autre Europe économique

Huit des onze candidats à la présidentielle ont une vision négative de l’Union européenne, à des degrés différents. Mais sortir purement et simplement de l’UE, à l’image du Brexit, est un choix encore trop radical pour certains d’entre eux. C’est principalement le cas de l’extrême gauche. Dans son programme, Jean-Luc Mélenchon n’a pas de mots assez durs : "L’Europe de nos rêves est morte. L’Union actuelle est seulement un marché unique et les peuples sont soumis à la dictature des banques et de la finance".

Désobéir aux traités. Mais plutôt que de la quitter, le candidat de la France insoumise propose de "désobéir aux traités européens". Un désengagement négocié, ou à défaut d’entente, unilatéral, qui concerne aussi bien le Pacte de stabilité budgétaire que les accords de libre-échange. A la place, il prône une "alliance des pays d'Europe du Sud pour sortir de l'austérité et engager des politiques concertées de relance écologique et sociale de l'activité". Dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon réclame un protectionnisme solidaire, une mise au pas de la Banque centrale européenne et un moratoire sur la question des dettes souveraines.

Europe des travailleurs. A sa gauche, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou tapent également sur l’Europe mais pas au point d’envisager un "Frexit". Pour la candidate de Lutte ouvrière, "quand on est exploité, on n’est souverain de rien du tout, que les lois se décident en France ou à l’échelle de l’Europe". Autrement dit, le problème ce n’est pas l’Union européenne mais les dirigeants qui seraient main dans la main avec les patrons.

Philippe Poutou partage cette position de défense des "exploités". "Nous sommes contre cette Europe, mais pour une Europe des travailleurs et des peuples, où tous les droits sociaux seraient alignés par le haut (salaires, protection sociale, droit à l’IVG…)", écrit-il dans son programme.

Renégocier avec les partenaires. Renégocier les traités européens mais pas forcément sortir de l’UE, c’est aussi le leitmotiv de Nicolas Dupont-Aignan, pourtant assez éloigné politiquement de l’extrême gauche. Sur la thématique européenne, le président de Debout la France ! se positionne entre François Fillon – rester mais réclamer des changements – et Marine Le Pen – sortir et rien d’autre.

Nicolas Dupont-Aignan blâme "cette Union Européenne inefficace, intrusive, antidémocratique et autoritaire" pour le chômage qui stagne et les délocalisations industrielles. Il veut donc "dénoncer les traités européens, suspendre l’application des dispositions les plus contraires à l’indépendance de la France et renégocier avec nos partenaires". Si cela n’aboutit pas, alors il se résoudra à quitter l’UE.

Enfin, Jean Lassalle estime que "l’Union Européenne a échoué à affronter la mondialisation. Elle a accepté la dictature financière. Les institutions européennes se sont limitées à gérer des budgets et à écrire des normes". Le député centriste souhaite que la France retrouve une marge de manœuvre financière. Une réflexion qu’il veut confier à la nouvelle génération, chargée d’imaginer "une construction européenne adaptée au monde d’aujourd’hui".

L’Europe économique a échoué, il faut quitter l’UE

Trois candidats se positionnent clairement en faveur de la sortie de la France de l’Union européenne et de l’euro, notamment pour des raisons économiques. Marine Le Pen en a fait son cheval de bataille depuis des années et le "Frexit" occupe la place n°1 de ses 144 engagements présidentiels. La candidate Front national veut que la France retrouve sa souveraineté politique et économique. Ainsi, quitter l’UE lui permettrait d’instaurer "un vrai patriotisme économique en se libérant des contraintes européennes et en réservant la commande publique aux entreprises françaises si l’écart de prix est raisonnable". Elle veut aussi "sécuriser les dépôts et l’épargne des Français en abrogeant la directive européenne sur l’Union bancaire". De nouveau indépendante, la France serait, selon Marine Le Pen, mieux armée pour négocier des traités de libre-échange équilibrés.

L'UE, source de tous les maux.François Asselineau réclame également une sortie de l’Union européenne, au titre que "la cause première de nos malheurs vient de cette structure que les forces euroatlantistes ont pourtant présentée aux Français, depuis des décennies, comme la clé de la modernité́, de la paix et du bonheur". Tout son programme est structuré par la sortie de l’UE et les bénéfices économiques, selon lui, qu’en retirerait la France.

Sortie... par surprise. Enfin, Jacques Cheminade propose de "sortir de l’UE et de l’euro et de nous recentrer sur l’idée de nation". L’Union européenne a échoué et il faut la quitter, soit au terme de négociations avec les autres pays membres, soit… "par surprise, au cours d’une fin de semaine, en fermant les banques et les marchés financiers" ! A la place, Jacques Cheminade entend fonder avec les autres pays européens "un système de crédit public coordonné, par association de nos banques nationales. Non pas en vue de gérer un ordre existant, mais pour financer ensemble de grands projets de développement mutuels". L’économie, encore et toujours…

Il n’y a pas que l’économie dans la vie

L’économie occupe une place centrale dans les projets européens des onze candidats. Mais certains voient quand même plus large. Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et même Jacques Cheminade vantent les mérites d’Erasmus, le programme d’échanges universitaires, et souhaitent le développer plus avant. François Fillon et (encore) Jacques Cheminade ont également des ambitions en terme de recherche et de coopération universitaire.

Défense et sécurité. Il y a évidemment la lutte contre le terrorisme, une priorité européenne pour la plupart des candidats. Certains plaident pour une Europe de la Défense, comme Emmanuel Macron. Un vieux projet qui n’a cessé d’être remis sous le tapis depuis le refus initial du général de Gaulle et de l’Assemblée nationale française en 1954.

Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon veulent une coopération plus avancée dans le domaine du développement durable et des énergies renouvelables. D’autres, à l’image de François Fillon, considèrent que la politique migratoire européenne doit être repensée.