Nouveau retard pour l'EPR de Flamanville : "C'est une catastrophe industrielle pour EDF"

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Anaïs Huet , modifié à
EDF a annoncé mercredi de nouveaux retards et surcoûts pour le réacteur nucléaire EPR de Flamanville dans la Manche. Pour Yves Marignac, directeur d'une agence indépendante d'études sur l'énergie, la situation est très préoccupante.
INTERVIEW

Souvenez-vous, l'EPR de Flamanville devait initialement être livré en 2012. Finalement, il ne pourrait être prêt qu'au début de l'année 2020, pour une facture de 10,9 milliards d'euros, soit près de quatre fois plus que le montant estimé à l'origine. En effet, EDF a annoncé mercredi de nouveaux retards et surcoûts pour le réacteur nucléaire situé dans la Manche.

"Un défaut dans le management de la qualité". "Il s'agit de problèmes de qualité de soudures sur des circuits secondaires mais très importants, qui évacuent sous forme de vapeur la chaleur du réacteur vers les turbines. Ce sont des soudures qui doivent être de très bonne qualité et qui ne le sont pas", indique l'ingénieur Yves Marignac dans la Matinale d'Europe 1 jeudi. Mais selon le directeur de Wise Paris, agence indépendante d'information et d'études sur l'énergie, "la cause profonde de ce problème, c'est un vrai défaut dans le management de la qualité chez EDF, qui n'a pas permis de détecter les problèmes jusqu'au dernier moment. D'où le besoin de ré-inspecter et de faire les travaux".

"Des signaux très inquiétants". Selon l'expert, ce nouveau report - qu'il n'hésite pas à qualifier de "catastrophe industrielle" - est un très mauvais signal pour l'industriel français. "C'est le signe d'une capacité insuffisante d'EDF à réaliser des travaux lourds avec des exigences de sûreté", déplore-t-il. "On a des signaux très inquiétants sur des défauts de conformité de réacteurs. Dès aujourd'hui, je considère que la qualité de sûreté du parc (nucléaire français) se dégrade. Et ça risque de se dégrader encore", alerte l'ingénieur.

Des conséquences économiques graves. La situation, si elle est calamiteuse d'un point de vue technique, l'est également économiquement. "Tout ça grève dramatiquement les finances d'EDF. L'EPR, qui devait être le fleuron de la filière nucléaire française, qui rêvait de s'exporter partout dans le monde, est un réacteur qui, en termes de design et de conception, est pratiquement mort-né. La perspective industrielle pour l'EPR est très noire aujourd'hui. Et les conséquences pour EDF, dans sa stratégie commerciale et dans sa stratégie financière, sont extrêmement problématiques", prévient Yves Marignac, qui s'attend déjà à voir la facture s'alourdir encore un peu plus dans les mois et années à venir.

Vers un surcoût des tarifs de l'électricité ? D'ailleurs, qui va payer cette facture à rallonge ? "In fine, les consommateurs d'électricité via leurs tarifs, mais aussi les contribuables", répond le directeur de Wise Paris. "On a déjà eu ces dernières années 7 milliards de réinjection d'argent frais dans EDF et dans la filière nucléaire française par l'État. Il va falloir compenser ce nouveau retard. Ça va se traduire en partie par les prix et par des taxes, des impôts, qui vont servir à renflouer ce fleuron industriel".