Non, Airbus ne bat pas de l'aile

29.11.Aviation avion Airbus atterrissage.SAUL LOEB  AFP.1280.640
© SAUL LOEB / AFP
  • Copié
L’annonce de 1.164 suppressions de postes pourrait laisser penser que l’entreprise traverse une période difficile.

Comme redouté, Airbus a officialisé mardi un plan qui va se traduire par 1.164 suppressions de postes, dont plus de la moitié en France. On pourrait donc penser que l’avionneur traverse une zone de turbulences, il n’en est pourtant rien : le groupe Airbus se porte bien, très bien même. Comment expliquer alors qu’une entreprise en bonne santé supprime des postes ?

Airbus reste en très grande forme.L’avionneur reste définitivement l’une des plus belles réussites industrielles européennes : avec 939 milliards d’euros, son carnet de commandes est assez rempli pour lui assurer entre huit et dix années de travail. Son bénéfice net a bondi de 15% en 2015 et Airbus compte même battre cette année son record de production en livrant 650 avions au cours de la seule année 2016. Airbus et ses 136.000 salariés ont donc de quoi aborder l’avenir avec sérénité, malgré quelques ombres au tableau. Il y a d’abord l’emblématique A380, qui se vend moins bien qu’espéré et nécessite un ralentissement de la production. Il y a ensuite et surtout les déboires de l’A400M, un avion de transport militaire qui accumule les retards et les avaries. Mais ces deux chantiers ne représentent qu’une partie très limitée de la production d’Airbus, qui compte bien rentabiliser ces programmes à long termes.  

Mais il est en pleine réorganisation. Airbus va donc bien, ce qui peut rendre d’autant plus incompréhensibles les suppressions de postes annoncées mardi. La direction avance pourtant un argument : le groupe est en pleine réorganisation, une opération baptisée en interne Gemini. Airbus Group, le nouveau nom d’EADS, est en effet un groupe complexe : construit de manière bicéphale, avec une partie de la direction installée en France et l’autre en Allemagne, l’entreprise chapeaute en plus toute une série de filiales spécialisées dans les hélicoptères (Eurocopter, devenu Airbus Helicopters), dans les lanceurs spatiaux ou encore dans les appareils militaires. La direction d’Airbus a donc décidé de simplifier cette structure autour d’une seule entité, baptisée Airbus Group, et d’une seule ville, Toulouse.

Logiquement, le futur groupe va se retrouver avec des doublons dans de nombreux secteurs : les services financiers, la communication, les fonctions administratives ou encore l’informatique. Officiellement, c’est donc pour éviter les "duplications" qu’Airbus supprime des postes. Un argument qui ne convainc pas vraiment le syndicaliste Jean-Marc Escourrou : "Quand on regroupe deux services dans une même entité, on peut comprendre qu’il y ait des doublons. Ce qui est un peu plus difficile à comprendre, c’est qu’il y en ait autant", a réagi le secrétaire du syndicat FO chez Airbus.

Aussi une question de compétitivité. Cette volonté de réduire les coûts ne s’explique cependant pas par la seule suppression de doublons : Airbus cherche de manière générale à être moins cher, et ce n’est pas uniquement pour améliorer sa rentabilité. En effet, l’avionneur européen et son rival américain Boeing se livrent une concurrence acharnée, chaque groupe s’efforce donc de proposer les tarifs les plus compétitifs. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a conduit Airbus à ouvrir une usine d’assemblage aux Etats-Unis pour vendre certains avions en dollars, et non en euro, et donc un peu moins cher. De même, Airbus a érigé l’efficience de ses appareils en argument de vente : son nouveau A350-1000 est annoncé comme coûtant 25% de moins à faire fonctionner que son rival, le Boeing 777. L’avionneur européen chercherait ainsi à réduire ses coûts en actionnant tous les leviers possibles, que ce soient les avancées technologies ou la monnaie utilisée pour la vente. La réduction de la masse salariale s’inscrit donc dans une tendance plus générale de baisse des coûts.

A plus long terme, se préparer à la concurrence chinoise. La question de la compétitivité est d’autant plus prise au sérieux qu’un autre rival est en train de faire surface : la Chine. Car si jusqu’à présent l’empire du Milieu était perçu comme un eldorado par tout le secteur, il veut devenir demain non plus un acheteur mais un fabricant d’avions. Et il a de nombreux atouts pour y arriver. Les constructeurs chinois ont bénéficié de transferts de technologies de la part d’Airbus et Boeing, ils peuvent compter sur le soutien financier et réglementaire de l’Etat, sans oublier que la Chine devrait à elle seule avoir besoin de 6.000 et 7.000 nouveaux avions au cours des vingt prochaines années.

Des entreprises aujourd’hui secondaires, telle que la Comac basée à Shangaï, pourraient donc rapidement devenir des rivaux pris très sérieux par Boeing et Airbus. Dans un premier temps, ces nouveaux venus mettront plus en avant leurs tarifs que leurs technologies, provoquant une véritable guerre des prix. C’est pour éviter d’être pris au dépourvu qu’Airbus prépare déjà les grandes manœuvres.