L'État peut-il vraiment sauver l'usine Bridgestone de Béthune ?

  • Copié
Pauline Rouquette , modifié à
Après l'annonce de la fermeture de l'usine Bridgestone de Béthune, qui emploie 863 personnes, le président de la région Hauts de France, Xavier Bertrand a déclaré sur Europe 1 que la région était prête à "financer une grande partie des investissements. Mais selon l'expert en gestion Raymond Soubie, invité d'Europe 1 dimanche midi, la région aurait dû, en amont, aider l'usine à transformer son modèle économique.
ANALYSE

"Le sujet de la fermeture de Bridgestone, c'est un sujet ancien", rappelle Raymond Soubie. Ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du groupe de conseil en stratégie sociale Alixio, l'invité d'Europe 1 dimanche midi a notamment répondu aux propos tenus un peu plus tôt par Xavier Bertrand concernant la fermeture de l'usine de Béthune et l'aide de la région Hauts de France. Après l'annonce coup de massue de la fermeture du site et les multiples réactions politiques, Raymond Soubie a expliqué sur Europe 1 que l'aide que peut (ou aurait pu) donner la région, était une aide visant à faciliter la transformation de son modèle économique. Un modèle économique qui ne fonctionnait plus depuis plusieurs années, selon lui.

Aider l'usine à changer de modèle économique

L'État, les collectivités locales peuvent-elles vraiment agir pour éviter la fermeture de l'usine ? Invité du Grand rendez-vous, dimanche matin sur Europe 1, Xavier Bertrand a déclaré que la région était prête à "financer une grande partie des investissements" qui pourraient sauver le site de Béthune. "C'est un coup terrible pour la région et bien entendu pour les salariés, mais au fond, chacun savait depuis des années que la fabrication de Bridgestone était des pneus qui n'étaient pas des pneus haut de gamme et qui, peu à peu, sortaient du marché", réagit Raymond Soubie.

Selon ce dernier, le problème de l'usine Bridgestone ne dépend pas du Covid-19, mais lui est bien antérieur. "Pour sauver l'usine Bridgestone, il faut d'abord définir ce que Bridgestone pourra faire à l'avenir", poursuit-il, évoquant la nécessité de changer la nature de ses fabrications. "Il faut l'accord de l'entreprise, de l'État et, comme l'a dit Xavier Bertrand, la région peut aider, donner des aides aux entreprises pour faciliter la transformation de leur modèle économique, c'est-à-dire du type de produits qu'elle fabrique".

Une menace qui planait depuis plusieurs années

"L'État ne peut pas grand chose dans une situation qui n'est pas conjoncturelle, mais plus structurelle et ancienne", développe Raymon Soubie, qui observe les mutations des entreprises depuis des années. "Il peut simplement proposer à l'entreprise une aide pour transformer l'usine", répète-t-il, ajoutant que, manifestement, la maison-mère de l'usine de Bridgestone considère que cette entité n'est plus rentable et que, par conséquent, la seule possibilité pour elle est de la fermer. "C'était d'ailleurs une menace qui planait déjà, comme je l'ai dit depuis plusieurs années… Alors chacun a gagné un jour, six mois, un an..."

L'expert en gestion note un véritable problème de fond. "C'est le type de situation dans laquelle l'État, compte tenu du choc et du nombre d'emplois touchés dit 'je vais intervenir'", dit-il. Toutefois, pour cela il faudrait avoir l'accord de l'entreprise concernée, or cette dernière peut avoir du mal à se montrer enthousiaste "parce qu'elle verra bien qu'on lui crée des obligations", analyse Raymond Soubie.

Absence de dialogue social

Le spécialiste estime par ailleurs que le dialogue social "n'était pas à son summum" dans ce dossier, alors qu'un accord de compétitivité avait déjà été refusé par les salariés. "En vérité, tout le monde se regardait en chien de faïence tout en sachant pertinemment que le modèle économique ne fonctionnait plus", achève-t-il, estimant que des mesures de transformation, notamment de changement du type de produits, n'ont pas été prises en temps utile, "par absence de volonté de l'entreprise, et par absence de dialogue social".