Les petits actionnaires d'EDF dénoncent l'ingérence de l'Etat

© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
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Dénonçant son influence, un collectif de salariés actionnaires demande à l'Etat d’aller au bout de sa logique et de racheter toutes les actions de l’électricien. 

EDF et l’Etat français, ce sont des relations aussi étroites que compliquées : l’Etat détient 85% de son capital et a toujours fixé le cap pour l’ensemble de la filière énergétique. Mais aux yeux des autres actionnaires d’EDF, cette proximité mettrait en danger l’électricien : l’Etat l’inciterait à se lancer dans des projets périlleux. Un collectif d’actionnaires, principalement des salariés et des retraités d’EDF, demande donc à l’Etat d’assumer ses choix jusqu’au bout en rachetant toute l’entreprise.

EDF entre dans une phase de turbulences. L’entreprise est actuellement confrontée à de très nombreux défis. Il y a d’abord le plan de grand carénage, une série de grands travaux censés permettre aux centrales nucléaires françaises de fonctionner dix années supplémentaires. Coût du chantier : au moins 55 milliards d’euros. Il y a aussi le démantèlement des centrales les plus âgées et la gestion des déchets radioactifs. Le coût réel d’une telle déconstruction est encore incertain, tandis que le stockage des déchets risque de coûter plus cher qu’EDF ne l’anticipe. En outre, EDF doit absorber Areva, qu’il a sauvé de la faillite sur l’insistance de l’Etat français.

L’EPR anglais, le défi de trop ? Comme si cela ne suffisait pas, EDF peine à achever l’EPR de Flamanville – dont la facture ne cesse d’exploser - et s’apprête à en construire deux autres à Hinckley Point, au Royaume-Uni. C’est précisément ce projet qui inquiète les salariés et actionnaires de l’électricien : le chantier est estimé à 23 milliards d’euros, une échelle telle que le moindre indicent pourrait coûter très cher à EDF, voire le déstabiliser. Or, les EPR ne cessent d’accumuler les bévues.

Pour les petits actionnaires réunis au sein de l'association EDF actionnariat salarié (EAS), ce projet de double EPR est risqué et pourrait fragiliser l'électricien au moment où il doit relever de nombreux autres défis. A leurs yeux, l’EDF ne devrait donc pas se lancer dans ce projet et ne le fait que sur l’insistance de l’Etat. En clair, "le gouvernement français associe et confond son projet stratégique de développer la filière nucléaire (française), avec l'intérêt social d'EDF SA".

L’Etat accusé de fragiliser EDF. Estimant que l'Etat français "se comporte comme le seul propriétaire d'EDF en utilisant l'entreprise comme un bras armé de sa politique soit industrielle, soit diplomatique", l’association EAS estime donc que c’est à l’Etat d’assumer le risque des deux EPR anglais, et non aux petits actionnaires qui n’ont pas leur mot à dire.

Ce collectif a donc envoyé mercredi un courrier à l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour lui demander de mettre fin à cette situation. D’abord en retirant l'électricien de la Bourse de Paris, ensuite en obligeant l’Etat à racheter toutes les autres actions EDF. L’EAS demande à l’Etat de lancer une Offre Publique de Retrait pour racheter les actions au prix de 32 euros l’unité, alors que ces dernières ne valent plus que 12 euros.

Cette dernière fronde au sein d’EDF montre une nouvelle fois combien le projet d’Hinckley Point est contesté en interne. Début mars, le directeur financier du groupe démissionnait avec fracas pour souligner son opposition à ce projet. Puis c’est une partie des syndicats qui ont exprimé leur désaccord, avant qu’un groupe de cadres anonymes d’EDF ne se joigne à la contestation : ce dernier a envoyé mardi une lettre aux administrateurs du groupe pour leur rappeler que leur mission est d'examiner "l'intérêt social" de l'entreprise dans le si contesté projet d’EPR anglais. De son côté, le gouvernement a répété mercredi qu’il faisait preuve d'une "vigilance totale" en ce qui concerne l’avenir d’EDF.