La revanche des taxis face aux VTC

Les taxis profitent de la nouvelle réglementation des VTC.
Les taxis profitent de la nouvelle réglementation des VTC. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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La nouvelle réglementation plus stricte des VTC profite aux taxis qui ont modernisé leurs services pour séduire la clientèle perdue ces dernières années.

Si vous comptiez prendre un VTC pour traverser Paris samedi, vous feriez bien de changer vos plans : plusieurs syndicats et collectifs de chauffeurs appellent à une "grève illimitée à partir du 17 février". Ils protestent contre le "silence gouvernemental" face à leur demande d'une tarification minimum. En plus de la grève, des blocages et des manifestations sont prévues dans toute la France. La grogne pourrait bien profiter aux taxis qui retrouvent progressivement grâce aux yeux des passagers, après plusieurs années compliquées.

La situation des VTC s’est dégradée. Qu’il semble loin le temps où les taxis bloquaient les grandes villes pour réclamer un encadrement légal du marché des VTC, nouvelle concurrence qui chamboule depuis six ans le transport de particuliers. Désormais, ce sont les chauffeurs de ces véhicules de tourisme qui descendent la rue pour réclamer une meilleure prise en compte de leurs droits et tentent de se défendre face aux plateformes telles qu’Uber et Chauffeur Privé. En peu de temps, le rapport de force s’est équilibré.

D’abord, la loi Grandguillaume est passée par là. Votée fin 2016, elle prévoit un durcissement des règles pour les chauffeurs de VTC. Des milliers d’entre eux préféraient s’enregistrer sous le statut Loti, en théorie réservé au transport collectif et bien moins contraignant. Une dérive adoubée par les applications qui bénéficiaient ainsi d’un nombre de chauffeurs important. Pour mettre fin à ce système inéquitable, la loi Grandguillaume a prévu une transition d’un an pour permettre aux chauffeurs de VTC de régulariser leur situation.

Un examen très sélectif. Pour ce faire, les chauffeurs devaient passer un examen d’entrée dans la profession ou obtenir une équivalence en justifiant d’un an d’expérience dans le métier. Plus facile à dire qu’à faire. D’un côté, l’examen s’est révélé extrêmement sélectif : fin novembre, le taux d'admission n'était que de 21% en moyenne. De l’autre, les préfectures ont eu bien du mal à gérer le flot de demandes : entre 6.000 et 6.500 cartes VTC seulement ont été délivrées par ce biais en 2017, rappelle Les Échos. Malgré les dérogations accordées pour fluidifier la transition, le nombre de chauffeurs VTC a donc chuté depuis le début de l’année.

Ainsi, Uber aurait appliqué strictement la nouvelle réglementation et suspendu l’accès à son application à quelque 10.000 chauffeurs, avance le quotidien économique (on compte environ 30.000 chauffeurs VTC à Paris, contre 18.000 taxis). Un chiffre voué à diminuer à mesure que les régularisations avanceront mais qui se traduit malgré tout par une baisse du nombre de chauffeurs. "Concrètement, cela veut dire que le nombre de chauffeurs va nettement diminuer, entraînant pour tous les passagers des temps d'attente plus longs et des tarifs plus élevés aux heures de pointe", a reconnu Uber début janvier.

Des conséquences que les usagers ont pu constater immédiatement : fini le VTC qui arrive en deux minutes, il faut désormais tabler sur cinq ou six minutes, voire plus dans les heures de pointe. La raréfaction se fait aussi sentir sur les prix, pas directement sur le montant de la course qui n’a pas bougé mais à cause des périodes de majoration, plus fréquentes avec le manque de chauffeurs. De quoi faire râler les habitués des multiples plateformes de VTC.

Les taxis se sont modernisés. Dans ce contexte, les taxis ont donc une carte à jouer. D’autant que ces derniers mois, les compagnies se sont modernisées. Dos au mur après l’échec d’une partie de leurs revendications sur l’encadrement des VTC (la maraude électronique, bien que techniquement interdite, n’est pas sanctionnée), elles ont été contraintes de se renouveler et de proposer de nouveaux services pour faire revenir les clients perdus.

Nicolas Rousselet, PDG de G7, a ainsi listé dans le JDD les innovations mises en place par sa compagnie : montée en gamme des services auprès des clients, déploiement à terme de 3.500 véhicules électriques et hybrides, grille tarifaire plus compétitive (forfaits pour les aéroports, course à -20% pour les jeunes de 12 à 25 ans, prix négociés pour les trajets partagés… Le tout soutenu par une application refondée permettant, comme pour les VTC, de commander son taxi à distance (et à l’avance) avec estimation du prix de la course et du temps de trajet (les commandes comptent à présent pour un tiers des courses).

Regain de popularité. Une solution aux machines à carte en panne ou carrément absentes des taxis. D’autant plus que le refus des paiements par carte est désormais interdit par la loi… Grandguillaume. Tous les chauffeurs de taxis sont désormais obligés d’être équipés d’un terminal en état de marche et d’une imprimante reliée au taximètre pour éditer automatiquement les factures. Si un client se voit refuser la carte bancaire, il peut contacter la centrale du chauffeur et déposer une réclamation à la préfecture de police.

"Nous combinons désormais la sécurité des taxis et la technologie des VTC", résume Nicolas Rousselet. Une refonte des services des taxis qui a porté ses fruits chez G7 : en 2017, le chiffre d’affaires de la compagnie est reparti à la hausse à 76,5 millions d’euros. "Nous regagnons des parts de marché avec une progression de 13% au quatrième trimestre 2017 et de 19,5% en janvier de cette année", assure le PDG au Journal du Dimanche.

En plus de la raréfaction du nombre de chauffeurs de VTC, les taxis ont également bénéficié d’un regain de popularité lors des récentes chutes de neige. En effet, faute de chauffeurs de VTC ayant pris la route et avec une demande encore plus forte que d’habitude, le prix des courses des différentes applications a explosé. Ce qui n’a pas été le cas des taxis, dont la tarification est régulée. Résultat, certains clients peu désireux de débourser 90 euros, voire plus, chez Uber et consort pour se rendre au travail se sont rabattus sur les bons vieux taxis.

 

 

 

Les taxis sont toujours plus chers

Le prix de la course reste le critère déterminant pour une bonne partie des usagers. Europe 1 a comparé les écarts. Pour une course partant de nos locaux, dans le 8ème arrondissement, à 13h, jusqu’à la place d’Italie, dans le 13ème, le nouveau venu Txfy propose une estimation entre 15,50 à 18,25 euros, fourchette qui englobe les prix des deux acteurs majeurs des VTC que sont Uber (15,60 euros) et Chauffeur Privé (17,65 euros). LeCab annonce 17,15 euros alors que le concurrent Allocab monte à 22 euros en ne proposant qu’une berline. Par rapport aux VTC, G7 est globalement plus cher. Le leader des taxis parisiens calcule le prix de la course entre 20 et 24 euros.

 

Pas encore la vie en rose. Si les taxis ont donc repris du poil de la bête, le conflit qui les oppose aux VTC n’est pas terminé. Fin janvier, une soixantaine de taxis se sont rassemblés à Paris pour réclamer une application plus stricte de la loi encadrant les VTC. "Les autorités compétentes en France ne prennent pas les décisions qui s'imposent" face aux pratiques des plateformes VTC, ont dénoncé les organisateurs dans un communiqué, réclamant notamment "l'application immédiate de la loi concernant la maraude électronique", prérogative "exclusive des taxis".

"Les conséquences humaines sont très lourdes" pour les chauffeurs de taxis qui "multiplient les horaires et les jours de travail", selon le texte qui évoque "faillite, liquidation judiciaire, divorce". "Est-ce concevable de travailler 70 heures par semaine pour un salaire de 1.500 euros par mois alors même que la loi est de notre côté mais que les autorités refusent d'appliquer celle-ci depuis des années ?", est-il encore écrit. Le collectif de chauffeurs réclame notamment "la mise en place d'un agrément pour les sociétés de transports, sous l'égide d'une autorité indépendante", une mesure censée assainir les pratiques du secteur.