La crise du lait est loin d'être un mal franco-français

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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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Le bras de fer récent entre Lactalis et les producteurs français a mis en lumière les difficultés du secteur au niveau national. Mais les autres pays ne sont pas à l'abri.

C'était le premier conflit social de la rentrée. Les producteurs laitiers français ont entamé, ce mois d'août, un bras de fer avec le géant Lactalis pour réclamer une revalorisation du prix d'achat de leur production. Si un accord a été trouvé le 30 août avec l'entreprise, apaisant la situation au moins provisoirement, la crise du lait est loin d'être terminée. Elle sévit en France mais aussi chez les autres pays producteurs, chacun affrontant la situation avec ses spécificités.

Une crise mondiale qui frappe partout. De fait, les sources de la crise du lait sont mondiales et européennes. D'une part, l'Europe a supprimé, en 2015, les quotas laitiers qui permettaient de réguler la production. "La fin des quotas a été anticipée par des éleveurs qui ont fortement investi pour augmenter les capacités laitières. On a donc assisté à un afflux de lait dès 2014", rappelle Gérard You, responsable du pôle Economie des filières à l'Institut de l'élevage. Au moment même où l'offre de lait devenait plus importante, la demande, elle, a diminué. Le marché russe s'est fermé en raison de l'embargo sur l'Europe décidé par le gouvernement de Vladimir Poutine. Quant au marché chinois, dont les producteurs attendaient beaucoup en raison de l'élévation du niveau de vie de la population, il s'est ralenti. "Tous ces facteurs provoquent, depuis deux ans, un déséquilibre", explique Gérard You. "Et tous les pays producteurs sont affectés."

La Pologne inquiète après l'embargo russe. La Pologne par exemple, pays qui possède une tradition laitière, souffre aussi d'une baisse des prix et d'un embargo russe qui la frappe particulièrement, elle qui commerce beaucoup avec la Russie. Les quelque 140.000 producteurs de lait que compte le pays sont d'autant plus inquiets qu'ils sont souvent endettés. Car lors de son entrée dans l'Union européenne, l'État polonais a dû moderniser grand train ses élevages. Même si l'Europe a allongé beaucoup de subventions, certains producteurs ont toujours aujourd'hui des crédits à rembourser. L'inquiétude est donc forte, et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le gouvernement polonais est souvent sur la même longueur d'onde que la France pour réclamer une intervention de l'Union européenne. En revanche, la Pologne conserve un avantage par rapport à l'Hexagone : un coût de production beaucoup moins élevé.

Certains pays très concurrencés à l'export. D'autres pays, comme l'Irlande et la Nouvelle-Zélande, vivent la crise différemment. Dans les deux cas, la production de lait est très importante avec des coûts de production limités, notamment parce que le climat permet de faire paître les bêtes la majorité de l'année. Mais dans les deux cas aussi, le marché intérieur est réduit. Les éleveurs irlandais et néo-zélandais sont donc très dépendants des exportations et de la fluctuation des prix au niveau mondial. "En Nouvelle-Zélande, le prix de la tonne peut varier du simple au double", souligne Gérard You. L'île a ainsi particulièrement souffert lors de la crise de 2008, avant de voir les prix s'envoler et atteindre un record en 2013 (8,40 dollars NZ, soit 4,80 euros le kilo de matière sèche, contre environ 5,25 dollars NZ, soit 3,42 euros aujourd'hui).

" En Nouvelle-Zélande, le prix de la tonne peut varier du simple au double. "

La France pénalisée par ses coûts. Par comparaison, la France est beaucoup moins soumise à la volatilité des prix sur le marché mondial puisqu'elle exporte peu. Comme le note Gérard You, "son marché intérieur absorbe environ 60% de sa production". En revanche, ses coûts de productions sont plus élevés. Résultat : les éleveurs français ne peuvent pas s'en sortir lorsque leur tonne de lait est rachetée 270 euros, tandis qu'en Irlande, ce prix permet encore d'assurer la viabilité des exploitations.

Les USA résistent. Du côté des États-Unis aussi, la crise est passée par là. Selon le département américain de l'agriculture (USDA), les revenus des producteurs laitiers ont baissé de 35% ces deux dernières années. "Mais leur demande intérieure est très dynamique, notamment sur les produits comme le beurre, la crème ou le fromage", explique Gérard You. "Globalement, les États-Unis ont donc mieux résisté, même s'ils ont du mal à exporter leurs excédents."