La baisse d'impôt promise par Sarkozy est-elle tenable ?

© FRANCOIS LO PRESTI / AFP
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Le candidat à la primaire souhaite baisser l'impôt sur le revenu de 10% dès l'été 2017. Techniquement faisable, mais économiquement risqué.

Si, depuis l'année dernière, le gouvernement socialiste met en avant la baisse de la fiscalité, le début du quinquennat s'est caractérisé par des hausses d'impôts successives. Et la droite ne manque pas une occasion de le rappeler, multipliant parallèlement les promesses de baisses.

Parmi lesdites promesses, celles de Nicolas Sarkozy. L'ancien président, candidat à la primaire de la droite, propose des allègements fiscaux conséquents. "Dès l'été 2017, l'impôt sur le revenu de tous les Français baissera de 10%", a-t-il déclaré mercredi, lors d'un meeting à Marcq-en-Barœul, près de Lille. "C'est une condition essentielle pour redonner de l'espoir à la France qui travaille." Mais cette "condition essentielle" est-elle possible à mettre en œuvre ?

Petit raccourci sur le calendrier. Dans son discours, Nicolas Sarkozy brûle un peu les étapes. Il est impossible que l'impôt sur le revenu baisse, quelle que soit l'ampleur de cette baisse, "dès l'été 2017". Ce que propose le candidat à la primaire, c'est de faire voter cet allègement fiscal à cette date, s'il est élu président de la République au printemps. Les effets n'en seront donc ressentis qu'un an plus tard.

Au-delà de cette question de calendrier, que Nicolas Sarkozy n'ignore évidemment pas, une baisse de 10% de l'impôt sur le revenu représente environ 7 milliards d'euros de manque à gagner sur ses recettes pour l'État. Jusqu'ici, rien d'impossible à mettre en œuvre.

Manque à gagner. Là où cela commence à se compliquer, c'est que ce coup de pouce fiscal n'est pas la seule mesure coûteuse que Nicolas Sarkozy souhaite mettre en place. Parallèlement, l'ancien président veut supprimer l'Impôt sur la fortune, ce qui revient à renoncer environ 5 milliards d'euros de rentrées fiscales. Il suggère également de supprimer les taxes sur les successions, jusqu'à un montant de 400.000 euros par part. Selon son équipe, cela coûtera environ 1,5 milliard. Si on ajoute à cela la suppression des cotisations sociales sur les salaires au Smic, et leur réduction sur l'emploi à domicile par des particuliers, la facture commence à être salée : au total, le "contre-choc" fiscal de Nicolas Sarkozy est évalué à 30 milliards d'euros.

Difficile de compenser. S'il est donc tout à fait possible pour le candidat de baisser les impôts, cela reste économiquement risqué. Comme il a tout prévu, Nicolas Sarkozy propose de compenser par une baisse drastique des dépenses de l'État, d'environ 100 milliards d'euros.

Mais cette proposition n'a pas été détaillée par l'ancien président, elle reste donc assez floue pour le moment. Sans compter que les 100 milliards d'économies sont à répartir sur l'ensemble du quinquennat, quand la perte de recettes, elle, se fera ressentir immédiatement.

Laisser filer le déficit. Or, si le manque à gagner n'est pas compensé, cela signifie que Nicolas Sarkozy prend le risque de laisser filer le déficit de la France. L'ancien chef de l'État le sait pertinemment, puisqu'il avait dû se résoudre, à la fin de son quinquennat, à augmenter l'impôt sur le revenu pour tenter de réduire un déficit qui avait atteint 7% du PIB. Avec ses propositions, il assume donc de faire fi de la règle d'or européenne, qui enjoint tous les membres de l'Union de conserver un déficit sous la barre des 3%. Et, potentiellement, d'énerver des partenaires européens déjà très agacés par la lenteur que met Paris pour rentrer dans les clous. "Tous nous attendent là-dessus", rappelait le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, mardi sur Europe 1. "C'est la condition de notre crédibilité en Europe."

"Peu efficace". Par ailleurs, l'impact politique de cet allègement fiscal est difficile à évaluer. Car l'impôt sur le revenu est loin de concerner tout le monde. "Comme seulement la moitié des citoyens [le] payent, une telle mesure est peu efficace et prend inévitablement une allure de cadeau aux plus fortunés, surtout si l'ISF est supprimé", analyse l'économiste Charles Wyplosz dans les colonnes du Figaro. Problématique pour la maîtrise du déficit, la promesse de Nicolas Sarkozy pourrait aussi ne pas avoir "redonné l'espoir" escompté.