Prélèvement à la source : 2017 "année blanche", de quoi parle-t-on?

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DÉCRYPTAGE - Aucun impôt ne sera calculé sur les revenus de 2017. Mais il n'y aura pas d'année sans payer d'impôt.

On y vient, à l'impôt à la source. Le gouvernement a présenté mercredi la feuille de route devant mener à cette réforme promise par François Hollande. "Le conseil des ministres a confirmé que le prélèvement à la source serait mis en œuvre à partir du 1er janvier 2018", a confirmé le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert en sortant de l'Elysée. Mais beaucoup de questions pratiques restent en suspens, dont celle de l'"année blanche" fiscale, annoncée par Christian Eckert. On vous explique ce que l'on peut.

Que va-t-on payer et quand ? Aujourd'hui, les Français paient leurs impôts sur leurs revenus de l'année précédente. Ils ont le choix entre le paiement d'un seul coup, ou des versements mensuels ou trimestriels. A partir de 2017, les Français continueront de payer leurs impôts calculés sur leurs revenus de l'année précédente, 2016 donc, suivant le même modèle qu'aujourd'hui. Seule différence avec le système actuel : le paiement mensualisé sera généralisé et rendu obligatoire. L'idée est de préparer au prélèvement à la source, qui implique un prélèvement mensuel. 

Dès janvier 2018, les salariés français paieront en effet leur impôt en temps réel. Le montant de leur impôt sera donc prélevé chaque mois sur leur salaire. Et ce montant sera calculé en fonction de leur revenu de 2018. Si le gouvernement fait ce qu'a promis Christian Eckert, 2017 sera donc une "année blanche" dans le sens où aucun impôt ne sera calculé sur le revenu des Français de cette année là. Mais dans les faits, il ne se passera pas une année sans que les Français paient d'impôts : en 2016, ils paieront pour leurs revenus de 2015, en 2017, ils paieront pour 2016 et en 2018, ils paieront pour 2018. L'année "blanche" est donc un terme comptable pour dire qu'aucun montant ne sera calculé sur les revenus salariaux de 2017.

Le gouvernement parle de "cadeau", pourquoi ?  Michel Sapin a pourtant évoqué un "cadeau fiscal" en évoquant cette année blanche. Mais où est le "cadeau", si au final les Français paient chaque année ? Il y a tout d'abord "cadeau" pour tous ceux qui vont gagner plus en 2017 qu'en 2018, puisque leur impôt ne sera jamais calculé sur le salaire de 2017. Il y a également "cadeau" dans le sens ou cela aurait pu être pire. L'une des hypothèses envisagées pour passer d'un système à l'autre était en effet la double imposition. En clair, en 2018, les Français auraient pu payer pour 2017 ET pour 2018. Le paiement de l'impôt sur les revenus de 2017 aurait également pu être étalé sur plusieurs années. Mais les contribuables paieront finalement l'impôt uniquement sur les revenus de 2018… en tout cas en ce qui concerne l'impôt calculé sur le salaire.

Pas de "cadeau" pour les revenus du capital. Car les plus-values immobilières et autres revenus boursiers de 2017 seront, eux, bien imposés en 2018. Idem pour les primes. En clair, tous les revenus non fixes de 2017 seront imposés et payés en 2018. Le gouvernement ne veut pas se retrouver, en 2017, confronté à un boom de primes et d'achats d'actions exonérées d'impôts.

>> En résumé, en 2018, si rien ne change, les Français paieront des impôts calculés :

- Sur leurs revenus fixes de 2018 (salaires, pensions de retraite)

- Sur leurs revenus variables de 2018 (primes, revenus d'actions, plus-values immobilières obtenues en 2018 etc)

- ET sur leurs revenus variables de 2017 (primes, revenus d'actions, plus-values immobilières obtenues en 2017 etc)

Quid des niches ? Un autre sujet complexe est celui des "niches" fiscales, ces exonérations d'impôts liées à un investissement ou un don. Si les "niches" de 2017 ne sont pas prises en compte, le risque est que plus aucun Français n'investisse ou ne donne d'argent (à une association ou un parti politique par exemple) cette année là. Pour résoudre ce problème, les équipes de Bercy doivent rédiger un livre blanc avant 2016. Ce dernier devra également aborder la question du régime des travailleurs indépendants et celui de la collecte : les entreprises grognent déjà à l'idée de se charger de récolter l'argent pour le fisc sur le salaire de leurs employés.

Comment-ont fait les autres ? De nombreux pays ont déjà opté pour l'impôt à la source, parfois depuis bien longtemps. Comment ont-ils géré leur transition ? Au Danemark, par exemple, les revenus de l'année 1969 n'ont pas du tout été imposés. En Nouvelle Zélande, également, l'année 1958 a été abandonnée. Mais une Haute autorité a été crée pour corriger les abus (pour imposer ceux qui ont vraiment beaucoup gagné en 1958 par rapport à 1959 par exemple, ou pour dédommager ceux qui ont beaucoup perdu en crédit d'impôts).  Il y a également eu l'école du "lissage". Au Royaume-Uni, par exemple, le prélèvement à la source est intervenu en 1944. Et le paiement des impôts de l'année 1943 a été étalé sur 36 mois. Idem aux Pays-Bas, où le "lissage" a été étalé sur cinq ans.