Hausses de salaire : les patrons devront désormais se justifier

La Cour de cassation oblige désormais les entreprises à expliquer à ses salariés la hausse (ou la non-hausse donc) de leur rémunération.
La Cour de cassation oblige désormais les entreprises à expliquer à ses salariés la hausse (ou la non-hausse donc) de leur rémunération. © JOEL SAGET / AFP
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Olivier Samain avec , modifié à
La Cour de cassation oblige les entreprises à justifier les augmentations, et les non augmentation.  

Vous n'avez pas été augmenté et vous trouvez ça injustifié ? Allez aux prud'hommes ! La Cour de cassation oblige désormais les entreprises à expliquer à ses salariés la hausse (ou la non-hausse donc) de leur rémunération. Dans un arrêt du 6 mai,  les juges ont en effet ordonné que l’employeur doit être à même de justifier ses choix, et ce par des éléments objectifs.

Que va changer cette décision ? La Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire et dernier recours dans un procès (hors tribunal administratif), s'exprimait le 6 mai sur le dossier du cadre d’une entreprise médicale qui n’avait pas été augmenté, alors que ses collègues si. Les juges ont estimé que la justification de l'employeur était insuffisante, dans une décision qui fera office de jurisprudence, de référence pour les procès futurs aux prud'hommes.

Concrètement, la Cour de cassation dit qu'un employeur a le droit de ne pas augmenter tous ses salariés de la même manière. Mais il doit pouvoir justifier ses choix en s'appuyant sur des éléments vérifiables. Sinon, les juges considéreront qu'il y a rupture de l'égalité de traitement. Et le salarié qui se sentira discriminé pourra réclamer réparation en justice. En se basant sur l'arrêt du 6 mai, les juges pourront dire à l'entreprise : prouvez-nous que ce n'est pas à la tête du client.

Comment justifier une augmentation ? La difficulté pour les DRH est alors de communiquer ces éléments objectifs. Quand ce sont des éléments quantifiables, des résultats commerciaux par exemple, il n'y a pas de problème. Mais il peut y avoir des situations plus subtiles : la capacité d'un cadre à motiver ses équipes par exemple, où la volonté d'augmenter un jeune à fort potentiel pour le conserver dans l'entreprise.

"Sur le plan des principes, cette décision me paraît relever du bon sens. Mais dans la réalité, ce sera compliqué. Les juges devront comprendre que certaines justifications ne sont pas quantifiables", commente au micro d'Europe 1 Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des DRH de 2013 à 2015, actuel DRH de Solvec.

Ce type d'affaires peut-il se multiplier ? Jusqu'à présent, il était très rare de voir un salarié traîner son employeur devant les prud'hommes pour une "non augmentation". Il risquait de se faire plutôt mal voir dans l'entreprise. Mais selon certains spécialistes, ce type de contentieux pourrait se développer.

Pour deux raisons : d'abord parce que les budgets d'augmentation sont beaucoup plus faibles aujourd'hui et obligent les directions d'entreprises à être plus sélectives dans leurs choix, ce qui augmente mécaniquement le risque de salariés frustrés. Ensuite parce que les entreprises choisissent de plus en plus, aujourd'hui, les augmentations individuelles aux collectives. Et qui dit augmentations individuelles, dit comparaison des salariés entre eux. Et donc obligation d'être très juste et très objectif dans ses choix.