EDF renationalisé ? Les enjeux d’un "big bang" annoncé

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L’Etat s’apprêterait à lancer une renationalisation, au moins partielle, des activités nucléaires d’EDF. L’enjeu est double : faire face à une dette colossale, et mettre fin à l’instabilité des prix.
ON DÉCRYPTE

La doctrine du "en même temps" théorisée par Emmanuel Macron concerne aussi les "bijoux de famille". Alors que les députés viennent de voter la privatisation des Aéroports de Paris (ADP) et de la Française des jeux, l’exécutif aurait désormais pour ambition de… renationaliser EDF, privatisé en 2004, au moins de manière partielle. Ce projet, révélé lundi par Le Parisien, porte même un nom, "Hercule", et dispose déjà d’un calendrier : une première présentation en interne en juin, une autre au gouvernement d’ici la fin de l’année, une proposition de validation auprès de Bruxelles en 2020, pour une mise en œuvre en 2021.

"Le président de la République y tient. Il considère que le nucléaire est une activité régalienne qui ne doit pas subir les sursauts des Bourses ou des marchés", confie au quotidien une source bien informée. Mais quelle forme pourrait prendre cette "renationalisation" ? Que changerait-elle pour EDF et les consommateurs ?

Vers un EDF à deux têtes ?

Aujourd’hui, EDF est déjà détenu à 83,7% par l’Etat. Monter la part de la puissance publique à hauteur de 100% coûterait 6 à 8 milliards d’euros, une somme jugée trop élevée à l’heure actuelle, selon Le Parisien. L’objectif du projet Hercule est plutôt d’augmenter progressivement les parts de l’Etat uniquement dans les activités nucléaires du groupe, ce qui nécessiterait une profonde réorganisation.

Concrètement, l'idée serait de diviser EDF en deux entités : d'un côté, les activités nucléaires, qui seraient donc détenues par l’Etat (intégralement ou presque, tout n’est pas tranché), de l'autre, les énergies renouvelables et les activités commerciales, qui resteraient en Bourse. "Deux EDF pour le prix d'un. Un petit EDF vert, écologique et côté en Bourse. Un gros EDF public et nucléaire, qui ferait tourner les centrales", décrypte notre éditorialiste Axel de Tarlé.

Un enjeu de sécurité…

Pour l’exécutif, il y a urgence. L’objectif principal d’un tel "big bang", dixit Axel de Tarlé, est de répondre aux enjeux financiers du groupe, ce que ne font plus les marchés. Le géant de l'électricité est déjà accablé par une dette de 37 milliards d'euros. Et il doit surtout trouver, à court terme, près de 100 milliards d’euros pour faire face à ses dépenses d’entretien et d’investissement, nécessaires à la sécurité des centrales.

Entendu sur europe1 :
On est devant ce qu'on appelle ‘un mur d'investissement’ qui effraie les milieux boursiers

"Pour les marchés, le nucléaire est trop dangereux, trop compliqué, trop long et surtout beaucoup trop coûteux. Le nouveau réacteur EPR de Flamanville (qui n'a toujours pas démarré) aura coûté 11 milliards soit le prix d'une entreprise comme Accor ou Dassault Aviation pour un seul réacteur. On est devant ce qu'on appelle ‘un mur d'investissement’ qui effraie les milieux boursiers", décrypte notre éditorialiste. L’Etat viendrait donc palier la frilosité des marchés.

… Et pour le consommateur ?

Le deuxième enjeu concerne les consommateurs. Selon Le Parisien, "le souhait du président" est aussi d’instaurer davantage de régulation des prix. Aujourd’hui, les prix de l’électricité dépendent grandement des prix du marché mondial du secteur. L’exécutif veut donc profiter de cette réforme pour "décorréler" les prix de la production nucléaire de ceux du marché, en instaurant un plafond que ces prix ne pourront pas dépasser, mais aussi un prix plancher pour assurer des revenus stables à EDF. Un système similaire a été instauré en Angleterre, où les seuils sont fixés pour 35 ans.