Coup de massue pour les salariés d’EDF. Le géant de l’énergie a annoncé jeudi en comité central d'entreprise, une diminution de ses effectifs "d'environ 6% entre 2017 et 2019, sans aucun lienciement", soit 3.900 salariés sur les 65.300 que compte l'entreprise. Cette réduction s'ajoute aux 2.000 postes supprimés depuis la mise en place en janvier 2016 d'un plan d'économies drastiques, pour un total de 5.900 suppressions de postes en quatre ans.
Economies supplémentaires. Le plan initial était assorti d’un plan d’économies de 700 millions d’euros sur trois ans. En avril, EDF avait augmenté le montant à un milliard d’euros. Le PDG Jean-Bernard Lévy s’était à ce moment-là engagé à ne pas aller "plus loin dans les baisses d’effectifs". Visiblement, la direction a fini par se résoudre à voir la réalité en face.
EDF va mal. Sa situation financière est très préoccupante, malgré les déclarations de Jean-Bernard Lévy, qui ne cesse de répéter que son entreprise "gagne de l’argent". C’est vrai, mais beaucoup moins qu’avant. Entre 2014 et 2015, le résultat net du groupe a dévissé de 68%, tombant de 3,7 à 1,2 milliard d’euros. Si les profits d’EDF ont chuté dans de telles proportions, c’est parce qu’il lui faut provisionner ses nombreux chantiers.
Des chantiers très coûteux
Il y a d’abord le "grand carénage", un vaste plan national de rénovation des 58 réacteurs nucléaires entretenus par EDF – qui produisent 77% de notre électricité – afin d’allonger leur durée de vie de 40 à 60 ans. Courant sur une dizaine d’années, l’opération se chiffre en dizaines de milliards d’euros. Pour la période d’aujourd’hui à 2025, EDF en a chiffré le coût à 50 milliards. De son côté, la Cour des Comptes estime que l’ensemble du plan de rénovation pourrait grimper jusqu’à 100 milliards d’euros.
Hinkley Point fait grincer des dents. Autre projet d’envergure : la construction controversée de deux réacteurs EPR de nouvelle génération sur le site d’Hinkley Point, en Angleterre. Après plusieurs années de négociations, le gouvernement britannique a finalement donné le feu vert à EDF l’an dernier. L’électricien doit livrer la centrale en 2025 mais le projet ne fait pas que des émules. D’abord car son coût est conséquent : 22 milliards d’euros dont 16 à la charge d’EDF, le reste étant pris en charge par la compagnie chinoise China General Nuclear Power Company. Dans la période actuelle, une telle dépense fait tâche. Les représentants du personnel avaient d’ailleurs voté contre la construction.
L’épine Flamanville. Hinkley Point est d’autant plus inquiétant que pour l’instant, EPR rime avec problème. Ces réacteurs à eau pressurisée de nouvelle génération n’ont jamais fait leur preuve puisqu’aucun n’est encore en service. Le cas de la centrale de Flamanville est devenu symbolique des doutes émis sur la technologie. Depuis son lancement en 2007, le chantier a accumulé les retards et son coût, désormais estimé à 10,5 milliards d’euros, a plus que triplé par rapport au devis initial. La mise en service a été repoussée à 2018 et d’ici là, les comptes d’EDF souffrent des dépenses liées à la construction. C’est donc peu dire que les réacteurs EPR d’Hinkley Point font planer le risque d’une explosion future du coût pour l’électricien français.
A la rescousse d’Areva. A ces chantiers, il faut ajouter le sauvetage d’Areva. Sur insistance de l’État français, EDF s’est porté à la rescousse de l’ex-fleuron du nucléaire français pour le sauver de la faillite. Une opération qui a coûté la bagatelle de 2,5 milliards d’euros à EDF. En absorbant la branche réacteurs d’Areva, l’électricien a hérité du dossier de l’EPR de la centrale nucléaire d'Olkiluoto, une des raisons du naufrage l'entreprise. A l’origine prévu pour une mise en service en 2009, le réacteur de nouvelle génération devrait finalement voir le jour en 2018. Avec les retards, le projet va coûter plus de huit milliards d’euros au total.
Enfin, il ne faut pas oublier le projet du site d’enfouissement des déchets nucléaires Cigéo, financé par EDF et Areva. A l’origine estimé entre 13 et 17 milliards d’euros sur cent ans, le coût (incluant la construction, l’exploitation et la fermeture) a été revu à la hausse par la ministre de l’Environnement Ségolène Royal en janvier 2016, à 25 milliards d’euros.
Attention, risque de surcharge
Résultat, EDF vit aujourd’hui au-dessus de ses moyens. Après une réduction de huit milliards d’euros en 2013, la dette de l’électricien est repartie à la hausse depuis deux ans. Elle dépasse désormais les 37 milliards d’euros. Pour éviter la catastrophe, l’État a renfloué les caisses d’EDF, dont il est actionnaire à 85%, à hauteur de trois milliards d’euros l’an dernier. Une augmentation de capital soumise à conditions : l’augmentation du plan d’économies à un milliard d’euros et le sauvetage d’Areva. Mais l’apport de l’État ne suffit pas à restaurer l’équilibre financier d’EDF et aujourd’hui, les salariés en pâtissent.
EDF trop optimiste ?La situation pourrait même empirer malgré la cure d’austérité que s’impose le groupe. En effet, un rapport parlementaire publié mercredi critique l’excès d’optimisme de l’électricien quant au coût du démantèlement de ses centrales nucléaires. Au moment où la fermeture du site de Fessenheim semble se concrétiser, le rapport avertit EDF : "D'autres pays se sont engagés dans le démantèlement de leurs centrales ; les retours que nous en avons contredisent assez régulièrement l'optimisme dont fait preuve EDF, tant sur les aspects financiers que sur les aspects techniques du démantèlement".
Les auteurs, les députés LR Julien Aubert et PS Barbara Romagnan, soulignent que "les exploitants européens provisionnent généralement entre 900 millions et 1,3 milliard d'euros par réacteur à démanteler quand EDF ne provisionne que 350 millions environ par tranche". Selon le rapport, EDF estimait fin 2015 à 75 milliards d'euros le coût du démantèlement de l'ensemble de son parc de 58 réacteurs à eau pressurisé, auxquels s'ajoutent neuf installations en cours de démantèlement. Sur ce montant, 36 milliards ont déjà été provisionnés par l'électricien.