Carburant, électricité : la France peut-elle se retrouver à sec et dans le noir ?

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La raffinerie Esso de Fos-sur-Mer © BORIS HORVAT - AFP
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ZOOM - Après les raffineries, la CGT menace désormais de perturber la production d’électricité pour dénoncer le projet de loi Travail de Myriam El Khomri. 

Lancée dans un bras-de-fer avec le gouvernement au sujet du projet de loi Travail, la CGT a franchi un nouveau palier mardi en étendant son appel à la grève aux centrales nucléaires d’EDF. Outre l’alimentation en carburant, les opposants au texte de Myriam El Khomri menacent donc la production électrique. La France risque-t-elle de se retrouver à sec et dans le noir ? Et, surtout, pendant combien de temps peut-elle tenir avant que la situation ne devienne sérieuse ?

Essence : de un à trois mois avant d’être à sec. Six des huit raffineries françaises sont désormais au ralenti ou à l’arrêt, ce qui réduit considérablement l’approvisionnement en carburant. Entre 20% et 30% des stations-essence sont en pénurie partielle ou totale mercredi. Cependant, la France n’est pas encore à sec : les dépôts pétroliers ne sont pas encore totalement vides et le gouvernement force chaque jour plusieurs blocages de sites, ces derniers étant illégaux.

La France dispose en outre d’une réserve stratégique, dans laquelle elle a commencé à puisé lundi. "Chaque jour, on ponctionne l'équivalent d'un jour de consommation. (…) Donc, au pire, si la situation restait très tendue, on ferait ça pendant trois mois", a précisé mercredi le président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Le porte-parole du gouvernement a, de son côté, évoqué 115 jours d’autonomie. En charge de la gestion de ces stocks, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) est plus pessimiste : les stocks commerciaux pour les entreprises devraient tenir une "trentaine de jours", dixit le chef de cette administration, Laurent Michel.

La France peut par ailleurs actionner deux autres leviers pour se réalimenter en carburant : d’un côté, les compagnies pétrolières peuvent importer du pétrole déjà raffiné de l’étranger, de l’autre le gouvernement peut en ultime recours réquisitionner les raffineries et leurs salariés. Un tel procédé est néanmoins juridiquement contestable.

Electricité : des coupures possibles mais pas de black-out. Décidée à faire monter la pression, la CGT a ouvert un nouveau front en appelant les employés des centrales nucléaires à débrayer jeudi. La centrale de Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, est déjà touchée, les grévistes ayant décidé de ne pas redémarrer un réacteur actuellement à l’arrêt pour des opérations de maintenance.

La France peut-elle se retrouver sans électricité ? Un tel scénario est peu probable à court terme : la mise à l’arrêt d’une centrale nucléaire prend plusieurs jours et peut être compensée par le reste du réseau, d’autant que la centrale de Nogent ne représente que 3% de la production totale d’EDF en France. De plus, la demande d’électricité recule à l’approche de l’été. A plus long terme, un arrêt total de la plupart des centrales nucléaire est difficilement envisageable : EDF peut procéder à des réquisitions de ses employés, le secteur nucléaire étant jugé stratégique.

Au final, deux conséquences sont à craindre à court terme. Il y a d’abord des baisses de charges électriques, c’est-à-dire un courant électrique moins fort qui pourrait pousser les foyers et les entreprises les plus gourmands en électricité à débrancher certains appareils. Des coupures de courant sont également possibles, mais de manière très localisées, comme ce fut le cas mardi dans certaines zones de Nantes et de Marseille : les grévistes peuvent débrancher certains quartiers au niveau des postes sources, qui sont des espèces de gare de triage de l’électricité.