Avec Costco, la consommation "à l’américaine" débarque en France

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Le premier entrepôt Costco de France a ouvert à Villebon-sur-Yvette. © Clément Lesaffre / Europe 1
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La chaîne de grande distribution Costco, deuxième acteur mondial du secteur, ouvre son premier entrepôt en France. Entre gigantisme et petits prix, elle veut séduire les Français.
REPORTAGE

Villebon-sur-Yvette, dans le nord de l’Essonne. Au cœur de la zone d’activité commerciale adossée à cette ville de banlieue parisienne comme il en existe des centaines, un nouveau bâtiment est récemment sorti de terre. A première vue, un immense entrepôt en tôle assez banal, encerclé par un parking tout aussi vaste. Ce pourrait être un Leclerc, un Auchan, un Carrefour… Sauf qu’il s’agit du premier "club-entrepôt" CostCo de France, une chaîne de grande distribution – la deuxième plus importante du secteur dans le monde – très populaire aux États-Unis. 

"Un modèle hybride, un peu anachronique".Loin des traditions de consommation françaises, le modèle de Costco repose sur trois concepts : carte de membre, vente en grosses quantités, présentation sur palettes. Rien à voir avec les supermarchés que nous connaissons déjà. Il faut plutôt considérer Costco comme un mix entre Ikea (pour l’aspect entrepôt revendiqué), Metro (les professionnels – entreprises, restaurateurs – peuvent également s’y fournir) et un hypermarché moderne (vente de produits alimentaires mais pas uniquement). "C’est un modèle hybride, jamais expérimenté chez nous et paradoxalement un peu anachronique. Le côté ‘usine à vendre’ renvoie aux débuts de la société de consommation. Mais ça ne veut pas dire que ce n’est pas pertinent", estime Philippe Moati, président de l’Observatoire Société et Consommation (L’ObSoCo).

Il y avait la queue mercredi pour obtenir la carte membre © Clément Lesaffre / Europe 1

36 euros par an. Après deux ans de retard dus à des recours en justice déposés notamment par la concurrence, le magasin de l’Essonne ouvre ses portes jeudi. Mais les adhésions étaient disponibles quelques jours en avance. Mercredi, à la veille de l’ouverture, des dizaines et des dizaines de curieux se succédaient à l’accueil pour obtenir leur carte de membre. Pour 36 euros par an, les clients (ou "membres" comme les appellent les employés de Costco), qu’ils soient des particuliers ou des professionnels, obtiennent le droit de faire leurs courses dans le "club-entrepôt" de Villebon-sur-Yvette. Avec la promesse de réaliser de très bonnes affaires.

A en croire Sonia, venue chercher sa carte de membre en avant-première, "l’objectif c’est de profiter des petits prix et des économies". En réalité, tous les futurs clients sont convaincus qu’ils vont pouvoir bénéficier de prix cassés. Sauf qu’aucun n’a réellement vu l’entrepôt puisque les allées de l’entrepôt étaient fermées au public jusqu’à l’ouverture officielle. Ils ne connaissaient pas plus les prix, non communiqués par Costco afin de "réserver la surprise pour le grand jour". Étonnamment, un certain nombre de personnes étaient là car elles avaient déjà expérimenté Costco aux États-Unis. C’est le cas de Bernard. "On a vécu là-bas et on allait chez Costco. C’était vraiment pas cher", se rappelle ce retraité, ravi de retrouver l’enseigne américaine à quelques minutes de chez lui.

Environ 15.000 clients avaient pris leur carte membre avant l'ouverture jeudi. © Clément Lesaffre / Europe 1

Temple du gigantisme. Ceux qui découvrent le modèle Costco risquent d’être quelque peu surpris. Dans l’entrepôt, le gigantisme frappe d’emblée. Passés les ours en peluche de 2,30 mètres de haut, c’est un alignement de palettes remplies de biscuits qui s’offrent à la vue du client. A côté, et sans aucun rapport, des frigidaires, des machines à laver et des télévisions s’entassent sur des "racks" jusqu’à sept mètres de hauteur. Plus loin, des piles de vêtements de marque côtoient des bracelets sertis de diamants. Au fond, à côté des produits frais, une partie des fruits et légumes est carrément rangée dans une chambre froide. Tout est si grand que l’on est à peine surpris de tomber sur une piscine suspendue en plein milieu de l’entrepôt.

Quantités imposantes… Pour le consommateur français lambda, faire ses courses chez Costco peut se révéler un peu intimidant. Pas évident de glisser dans son caddie (lui aussi plus grand que la normale) un paquet de 40 tubes de papier toilette, un pack de 40 bières, des bocaux de thon cuisiné de près de deux kilos ou encore un Toblerone de 4,5 kilos ! Une déambulation d’autant plus dépaysante que sur les étagères s’empilent des produits de marques américaines peu connues en France. A elle seule, la marque propre de Costco, Kirkland Signature, occupe 20 à 30% des rayonnages.

Du papier toilette à perte de vue © Clément Lesaffre / Europe 1

… mais peu de références. Sur 13.750 mètres carrés, Costco propose 3.800 références – 20 fois moins qu'en grandes surfaces – dont 3.300 permanentes et 500 dédiées à la "chasse au trésor", les bonnes affaires avec des produits "exceptionnels". Beaucoup de produits différents mais peu de références pour chaque (pas plus de deux ou trois), c’est la marque de fabrique de Costco. "L’objectif n’est pas de tout rafler mais de prendre des petites parts de marché partout. Idem pour les prix. On ne cherche pas à être les moins chers, nous visons plutôt le meilleur rapport qualité/prix", précise Gary Swindells, PDG de Costco France depuis 2012 et qui a passé vingt ans au sein de l’entreprise au Canada, son pays d’origine.

Prix cassés. Les prix, justement, sont globalement inférieurs de 15 à 20% par rapport aux grandes surfaces traditionnelles. L’écart est même parfois plus flagrant. Un jean Levi’s pour femme, catalogué à 99 euros en magasin, est vendu 40 euros chez Costco ; le pack de 24 canettes d’Orangina affiche 11,5 euros, de un à quinze euros de moins que des sites spécialisés sur la vente en gros. Si Costco peut proposer des prix bas pour des produits de grandes marques, c’est grâce à son modèle économique.

Particuliers et professionnels peuvent faire leurs courses chez Costco © Clément Lesaffre / Europe 1

Pas de rayons ultra-modernes, pas d’étals colorés, pas de vendeurs (il y a en tout et pour tout 200 employés) : c’est un entrepôt, un vrai, froid, métallique et où chacun se sert tout seul. La logistique est également optimisée. "Il n’y a pas de réapprovisionnement pendant les horaires d’ouverture, tout se fait le matin pour toute la journée à suivre, en descendant les palettes des racks du haut jusqu’au sol", explique Marc, un des responsables du site. Il n’y a pas de hangar de stockage, tout est dans l’entrepôt qui accueille les clients, une autre source d’économies.

Des prix attractifs donc, à condition de se contenter d’un choix de produits restreint et surtout de pouvoir stocker. Même si quelques produits (notamment le frais) se rapprochent en termes de quantité de ce que l’on peut déjà trouver dans les supermarchés, la grande majorité sont vendus en packs. Mieux vaut avoir une famille nombreuse, un grand frigo voire même un garage pour ranger ses courses.

Il est aussi possible d'acheter un frigo ou une TV © Clément Lesaffre / Europe 1

Un modèle innovant. Voilà pour le fonctionnement d’un entrepôt Costco. Mais est-ce que la greffe peut prendre ? La consommation "à l’américaine" peut-elle séduire les Français ? Gary Swindells en est persuadé : "On offre de la qualité et les clients vont s’en rendre compte. Il faut savoir qu’au début, Costco ne vendait qu’aux professionnels. Ce sont les particuliers qui ont demandé à avoir accès au même service. Il n’y a pas de raison que ça ne marche pas en France", assure le PDG de Costco France. "Je ne serais pas étonné que les consommateurs répondent présents", abonde Philippe Moati, président de l’ObSoCo. "Le concept fort peut dynamiter un marché qui n’a pas connu de grandes innovations depuis longtemps. Et puis il ne faut pas oublier que la chasse aux bonnes affaires est devenue un véritable sport."

Les consommateurs ne sont pas encore convaincus. Au vu des prix, des références et des clients croisés à la veille de l’ouverture, on peut affirmer que Costco s’adresse à la classe moyenne consumériste. Des gens qui fréquentent déjà les hypermarchés et sont sensibles aux prix. "La France périphérique pourrait bien y trouver son compte", ajoute Philippe Moati. "Mais il s’agit au mieux d’un segment, pas d’un marché de masse." Au moment d’ouvrir ses portes aux membres, Costco avait enregistré environ 15.000 demandes d’adhésion, moitié moins que ce qui était espéré. "Les gens ont besoin de voir avant de se décider", se rassure Gary Swindells.

Tout est immense, même les peluches... © Clément Lesaffre / Europe 1

Costco vient d’ouvrir son premier entrepôt et ambitionne d’avoir "une quinzaine de magasins en France d'ici une dizaine d'années : quatre à six autour de Paris et un ou deux près de grandes villes en province" dans les dix prochaines années, selon le patron de l’enseigne dans l’Hexagone. Pour l’instant, les principaux acteurs de la grande distribution en France restent sereins face à cette nouvelle concurrence. "On n'est pas du tout inquiet", déclare Michel Biero, gérant de Lidl France. "Prendre un abonnement pour aller faire ses courses, ce n'est pas du tout dans les habitudes des Français", a-t-il déclaré. Il avoue néanmoins avoir pris sa carte de membre chez Costco "pour voir". A voir la file ininterrompue de voitures sur le parking de Villebon-sur-Yvette lors de l'ouverture jeudi, le marketing a bien fonctionné.

Costco, un géant mondial

  •  Le groupe Costco Wholesale a été crée aux États-Unis en 1976. En plus de quarante ans, il s'est imposé comme le quatrième distributeur américain et le deuxième mondial.
  • Costco possède désormais 729 entrepôts dans 11 pays, dont 508 aux États-Unis. En Europe, l'enseigne est déjà présente au Royaume-Uni (28 entrepôts), en Espagne (deux entrepôts) et en Islande (1 entrepôt).
  • En 2016, Costco a réalisé un chiffre d'affaires de 104 milliards d'euros dans le monde. Le groupe emploie 225.000 personnes.