Air France : face aux syndicats, la "méthode" Ben Smith peut-elle marcher ?

Benjamin Smith a pris ses fonctions deux semaines avant la date initialement prévue.
Benjamin Smith a pris ses fonctions deux semaines avant la date initialement prévue. © JOEL SAGET / AFP
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Le Canadien, nouveau patron d’Air France-KLM, a pris ses fonctions lundi. Son expérience chez Air Canada devrait lui servir, alors que les pilotes reviennent à la charge pour la négociation des salaires.

Il y a de nouveau un pilote dans l’avion Air France. Quatre mois après le départ fracassant de Jean-Marc Janaillac, son successeur, le Canadien Benjamin Smith s’installe aux commandes du groupe. Nommé mi-août, l’ancien numéro deux d’Air Canada a officiellement pris ses fonctions lundi, deux semaines avant la date initialement prévue. Premier dirigeant étranger d’Air France-KLM, "Ben" Smith va entrer très vite dans le vif du sujet puisque les pilotes, qui n’ont rien obtenu de leurs revendications printanières, le mettent déjà sous pression. Alors que plane toujours la menace d’une nouvelle grève, le nouveau directeur général peut-il désamorcer un conflit qui dure depuis plusieurs mois ?

Un accord similaire obtenu chez Air Canada. Face aux défis qui l’attendent, Benjamin Smith a pour lui son expérience dans le secteur aérien, lui qui a passé 16 ans chez Air Canada, après avoir géré une agence de voyages pour les entreprises. À 46 ans, le Canadien arrive donc avec un bagage que n’avaient pas ses prédécesseurs à la tête d’Air France-KLM, tous étant des produits de la haute administration française. Son expérience devrait ainsi compenser son âge (il est le plus jeune patron du groupe) et sa nationalité étrangère (une première dans l’histoire d’Air France), décriée par les syndicats.

Surtout, Benjamin Smith a fait ses preuves. Il a notamment conclu en 2015 un accord de dix ans avec les pilotes et les personnels navigants d’Air Canada. Le contenu portait sur des garanties d’embauche et une augmentation de salaire annuelle de 2% pour les pilotes. En revanche, les salariés avaient dû renoncer à leur droit de grève pendant toute la durée de l’accord. Une condition que l’on imagine mal être acceptée par les syndicats d’Air France, le droit de grève étant sacralisé dans nos contrées. Si l’accord a été signé, c’est aussi parce que Benjamin Smith a priorisé les voyages partiellement gratuits des salariés d’Air Canada, en les accordant d’abord aux employés non syndiqués, une mesure très bien passée chez les principaux concernés.

Un patron à l’écoute des salariés. Selon des témoignages de salariés d’Air Canada recueillis par Les Échos, Benjamin Smith arrive en France avec la réputation d’un "homme de terrain et de dialogue". L’ancien numéro deux de la compagnie canadienne avait ainsi pour habitude d’aller expliquer directement aux salariés les orientations de l’entreprise. Un souci d’information intéressant face aux syndicats d’Air France qui ont reproché à la direction précédente son manque de communication lors des négociations. "Dans un contexte de relations du travail très crispées, il a su – sans rien céder sur l’essentiel – détendre l’atmosphère", commente, auprès du Monde, Mehran Ebrahimi, spécialiste en aéronautique et professeur à l’Université du Québec (UQAM).

" Seul un accord pourra mettre fin au conflit pour les salaires "

À l’écoute des salariés et adepte des rencontres en face-à-face, Benjamin Smith aura tout de même fort à faire pour pacifier les relations entre la direction d’Air France et les pilotes. Pour l’instant, les syndicats saluent sa décision de prendre ses fonctions en avance. Il arrive finalement "un peu plus tôt que ce qu'on pouvait imaginer, ça veut dire qu'il a déjà pris quelques marques et constitué une petite équipe autour de lui", estime Vincent Salles, de la CGT. "La bonne nouvelle est qu'on a de nouveau quelqu'un à la tête d'Air France-KLM, c'est bien qu'on sorte de cette phase d'incertitude", souligne Véronique Damon, représentante des pilotes (SNPL) au sein du conseil d'administration d'Air France.

Le dialogue pour éviter la grève. Mais la trêve ne va pas durer éternellement. Dès juillet, l’intersyndicale avait annoncé la couleur dans un communiqué : "dès le mois de septembre (…) le conflit pour les salaires reprendra et seul un accord pourra y mettre fin". "On demande qu'en premier lieu il reçoive l'intersyndicale pour qu'on puisse sans attendre commencer à traiter la question du conflit qu'on mène depuis le début de l'année sur les salaires", a réagi Vincent Salles, vendredi. Pour rappel, les syndicats réclament toujours une hausse générale des salaires de 5,1% correspondant à l'inflation sur la période 2012-2017. Malgré les menaces estivales, la menace d’une grève semble pour l’instant tenue à distance, le temps d’entamer le dialogue avec Benjamin Smith.

À peine arrivé, le Canadien a déjà fait un signe d’apaisement. Fin août, le montant de sa rémunération, qui peut atteindre un montant maximum de 4,25 millions d'euros par an - dont 900.000 euros de rémunération fixe -, avait fait polémique. Benjamin Smith a annoncé lundi son intention d’investir la moitié de sa rémunération fixe, soit 450.000 euros par an, dans le capital du groupe. Dans une vidéo interne, le nouveau patron d’Air France-KLM explique qu’il s’agit d’une "manière d'afficher [sa] confiance dans notre futur succès".