Affaire Uramin : Anne Lauvergeon met en cause Claude Guéant

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G.S. , modifié à
L'ancienne dirigeante d'Areva a été mise en examen vendredi, dans l'une des enquêtes sur les zones d'ombre entourant le rachat d'Uramin en 2007.

Anne Lauvergeon a été mise en examen vendredi, dans l'une des enquêtes sur les zones d'ombre entourant le rachat d'Uramin en 2007. Une opération qui s'est avérée désastreuse pour Areva, le géant français du nucléaire. L'ancienne patronne emblématique du groupe est accusée de présentation et de publication de comptes inexacts, ainsi que de diffusion de fausses informations. Anne Lauvergeon, pour sa part, continue de défendre sa stratégie industrielle. L'ancienne dirigeante assure que beaucoup de discussions se sont tenues derrière son dos dans cette affaire. Selon le JDD, elle accuse même Claude Guéant, lorsqu'il était secrétaire général de l'Elysée, d'être impliqué. 

L'affaire Uramin en 30 secondes. En 2007, Areva, alors dirigée par Anne Lauvergeon, achète trois mines d'uranium, basées en Afrique, à une société canadienne, Uramin. Montant de la transaction : 1,8 milliard d'euros, auxquels viendront s'ajouter 865 millions d'euros d'investissement dans les mines. Le hic ? Le cours de l'uranium baisse drastiquement entre 2007 et 2010. En outre, sur la même période, de nouvelles estimations paraissent : les réserves d'uraniums des mines ne seraient pas aussi élevées que prévu.

À plusieurs reprises, la direction d'Areva aurait été prévenue des risques pesant sur ses investissements miniers. Les dirigeants des mines auraient en effet proposé leur dépréciation et de revoir leur valeur à la baisse, d'au moins 900 millions d'euros, si ce n'est beaucoup plus. Mais la direction d'Areva aurait refusé. Et dans les faits, en 2010, elle ne prévoit  "que" 426 millions d'euros de provisions pour essuyer d'éventuelles pertes. Pourquoi si peu ? Concrètement, les juges d'instruction veulent établir si Anne Lauvergeon a fait pression pour minimiser les provisions. Elle est soupçonnée d'avoir voulu retarder la découverte de l'effondrement de la valeur d'Uramin, afin de masquer cet échec et de se maintenir à la tête du groupe.

Fin 2011, après le départ de sa patronne, sur fond de mauvaises relations avec le chef de l'Etat de l'époque Nicolas Sarkozy, Areva avait fini par annoncer de lourdes pertes et une provision de 1,5 milliard d'euros sur la valeur d'Uramin.

Quelle est la défense de l'ancienne dirigeante ? Anne Lauvergeon (appuyée par son ancien directeur financier, entendu par la brigade financière) continue de marteler qu'une stratégie industrielle plus élaborée aurait permis aux mines de conserver (ou presque) leur valeur initiale. L'ancienne dirigeante en veut pour preuve la vente, en 2013, de l'un des trois mines à l'entreprise Peninsula : "Peninsula a annoncé avoir découvert 25.000 tonnes d'uranium, et peut-être dix fois plus !", a-t-elle déclaré devant les juges. En clair, Anne Lauvergeon accuse les dirigeants des mines d'avoir mal fait leur travail, en dévalorisant un peu trop vite les sites.

Et Guéant, que vient-il faire là ? C'est là que Claude Guéant intervient, à en croire l'ex-dirigeante. Selon le JDD, celle-ci affirme avoir découvert "avec stupeur", à la lecture du dossier judiciaire, une note intrigante. Cette note relaterait des échanges entre Sébastien de Montessus, le "patron" des mines, et celui qui était alors secrétaire général de l'Elysée. Dans les discussions entre les deux hommes, qui se seraient tenues dans le dos de la direction du groupe, il aurait été question de faire des mines une "filiale" privée d'Areva, de l'introduire en Bourse… "et de faire rentrer des Qataris" au capital. En creux, Anne Lauvergeon soupçonne la direction des mines d'avoir volontairement voulu déprécier les mines pour pouvoir les vendre à moindre prix. Le tout sous le regard de l'Elysée, mais à l'abri du sien.