Vers un contrôle renforcé des comptes des cliniques privées ?

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avec agences
SANTÉ - Les cliniques privées bénéficiant de l’argent public, l’Etat veut davantage contrôler son utilisation.

"A argent public, contrôle public". La formule, signée de l’ancienne ministre déléguée aux Personnes âgées et par ailleurs oncologue Michèle Delaunay, résume bien l’état d’esprit de l’amendement adopté jeudi par l’Assemblée nationale dans le cadre de l'examen de la Loi Santé. Par cet ajout, les députés entendent instaurer contrôle accru des finances des cliniques et hôpitaux privés, dont l’activité dépend en grande partie de l’argent public. Une initiative pas vraiment appréciée par le secteur, qui compte bien faire disparaitre cet amendement.

Vers une transparence des comptes. Dans le détail, les députés ont adopté un amendement du gouvernement obligeant l'ensemble des établissements de santé à transmettre leurs comptes aux agences régionales de santé (ARS). Ces dernières contrôleront qu'ils ne profitent pas de "surcompensation financière" au regard de leurs financements publics, tirés principalement de la tarification des soins : en clair, vérifier que l’argent public qui leur est versé correspond bien à des actes médicaux effectués.

Si ce n’est pas le cas, l'ARS devra procéder "à la récupération des sommes indument déléguées". Pour compléter le système, les députés ont également voté un amendement visant à étendre les missions de contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales aux établissements de santé privés.

Les cliniques privées s’inquiètent pour leur marge. Fédérant 1.000 cliniques et hôpitaux privés, laFédération de l'hospitalisation privée (FHP) n’a pas contesté l’objectif d’arriver à une plus grande transparence. Ce qui l’inquiète davantage, c’est les conclusions que pourraient en tirer les ARS : la loi prévoit un niveau de "bénéfice raisonnable" au-delà duquel l’ARS pourrait réclamer le remboursement de l’argent versé par la Sécurité sociale.

Le secteur privé redoute donc que ce niveau de "bénéfice raisonnable" soit fixé à un niveau très bas et rende les établissements privés bien moins rentables. Contestant cet amendement, l’UMP Dominique Tian – par ailleurs président d'une clinique – a ainsi accusé le gouvernement de vouloir juste trouver de l’argent sur le dos des cliniques et hôpitaux. Et le député des Bouches-du-Rhône d’ajouter "que la moyenne des bénéfices des cliniques privées tourne autour de 2 % et que la plupart sont dans un équilibre précaire, on se demande où chercher des bénéfices excessifs !"

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Un contrôle instauré… suite à la plainte du secteur privé. Ironie du sort, si le gouvernement a proposé cet amendement, c’est aussi pour se mettre en conformité avec le droit européen. Car dans ce même dossier, la FHP avait déposé plusieurs plaintes auprès des institutions communautaires : en se penchant sur ce dossier, la Commission européenne a indiqué à la France qu’elle devait mieux contrôler l’utilisation de cette manne publique. Considéré comme un service d'intérêt économique général (SIEG), au sens du droit européen, le financement public du secteur privé doit donc être contrôlé.

Une précaution s’impose néanmoins : il ne s’agit que d’un amendement adopté en première lecture. Il pourrait donc disparaitre lors de son passage au Sénat, dominé par la droite.

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