Toujours intime : La Chambre à coucher (1)

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S’il est impossible de dater la naissance de la chambre à coucher, il est possible de dire, avec l’historienne Michelle Perrot, que son histoire est étroitement associée à celle, fort longue et sinueuse de celle de l’intimité et de l’individualité.

S’il est impossible de dater la naissance de la chambre à coucher, il est possible de dire, avec l’historienne Michelle Perrot, que son histoire est étroitement associée à celle, fort longue et sinueuse de celle de l’intimité et de l’individualité.

 

 

 

 

 

 

Ce à quoi nous ajouterons qu’il est également impossible de séparer la chambre à coucher de nos moments de vulnérabilité.

 

 

 

PROTÉGER NOTRE VULNÉRABILITÉ

 

La chambre du sommeil est d’abord celle de la fatigue et du besoin de prendre ses distances avec notre univers social.

 

 

La fatigue, qui nous affaiblit, requiert la pause et un territoire pour cette pause. Elle exige que le temps s’arrête quelque peu pour nous permettre de rassembler nos forces pour repartir. Forces physiques mais aussi morales. La fatigue est mauvaise conseillère dans toutes nos affaires privées et professionnelle. Et, lorsque le repos ne l’éloigne pas, elle nous rend malade.

 

 

Le sommeil est le moment de notre plus grande vulnérabilité, celui durant lequel nous sommes absolument contraints de faire confiance à ceux qui veillent encore. Lorsque nous dormons, nous mettons, sans le dire, notre vie même entre les mains des autres. Nous faisons confiance à leur bienveillance sinon à leur amour à notre égard. Nous croyons en leur droiture et à leur civilité. Et c’est sur cette confiance et cette foi que les sans abris, par exemple, s’appuient à leur corps défendant pour dormir dehors, dans la rue. Car le sommeil nous retire de l’action et du monde, auquel il nous livre sans défense.

 

 

 

 

 

La vie du corps – la sexualité, la maladie, l’entretien de la santé, l’hygiène – exige aussi la discrétion et la bienveillance de nos familiers et des étrangers à notre égard Non seulement pour que notre droit à l’intimité soit respecté mais aussi parce que, dans ces moments de tête à tête avec une autre personne et avec nous-mêmes, nous sommes au plus près de nos fragilités, celles que nous sommes seuls à connaître. La chambre à coucher, comme la salle de bains souvent attenante, est le lieu de ce savoir intime sur nous-même.

 

 

C’est pourquoi le lit - où l’on s’accorde pour penser que nous passons un tiers de notre vie et dont l’Orient nous a transmis, à travers les Croisades, le sens d’un plus grand confort - comme le fauteuil ou la chaise longue, les rideaux et les tentures, une porte qui oblige à frapper avant d’entrer comptent tellement dans cette chambre.

 

 

 

 

 

 

 

Une fois la porte close

 

Oublions les chambres des nobles demeures - que les aristocrates ne partagent que rarement avec leurs épouses – et pensons aux chambres à coucher contemporaines qui sont, généralement, conjugales. Ces chambres mènent une double vie selon que leurs portes en sont ouvertes ou fermées.

 

 

Ouvertes, les usages veulent que les chambres soient rangées et le lit bien fait, sans plus de traces des abandons du sommeil et des désordres de la vie amoureuse. D’ailleurs, dans certaines régions rurales, un bâton posé en permanence près du lit conjugal servait à parfaitement lisser les draps, les couvertures et les dessus de lit.

 

 

 

 

 

L’ouverture de la porte signale aussi aujourd’hui aux enfants de la famille qu’il est permis d’entrer et, pourquoi pas, de sauter dans le lit des parents pour s’y blottir, jouer, recevoir et donner des câlins, se parler, lire ensemble ou s’offrir une petit somme supplémentaire.

 

 

Mais une fois la porte close, place, bien sûr, à la vie intime du couple. Mais l’érotisme que nous associons au lit est une idée neuve ! C’est par elle que la chambre conjugale devient, dans la seconde partie du XIXème siècle, le temple sacro-saint du couple, un univers en soi que la pudeur et la pudibonderie interdisent longtemps d’entrevoir et même de parler.

 

 

Et, une fois la porte fermée, foin des conventions. Madame, à laquelle le droit de lire, d’écrire, de s’instruire, d’avoir des idées personnelles, d’être artiste ou intellectuelle fut longtemps et souvent contesté, peut enfin, justement, se comporter « comme un homme » et lire, écrire, etc. Monsieur peut s’épancher, avoir des états d’âme, parler du cœur et de sentiments, écrire un journal intime ou sa correspondance amoureuse « comme une femme ».

 

 

Derrière la porte close se vivent aussi les drames de conscience, les retours sur les motivations secrètes de ses actions, l’explosion de bonheurs retenus en public. Dans notre chambre, nous avons un autre visage.

 

 

 

 

Une chambre à … tout faire ?

 

La chambre à coucher est certes doté d’un lit, qui fut longtemps juché sur les plus précieuses possessions des plus riches nobles et bourgeois. Longtemps, les paysans ont aussi dormi sur leur trésor de monnaie ou leurs actes de propriété serrés dans des coffres. Les armoires s’ajoutant tardivement aux coffres et les remplaçant, la chambre se meuble, en particulier d’une table de travail, installée là d’abord pour Monsieur puis ensuite conquise par Madame. La radio trône sur la table de chevet. Plus récemment, la télévision se tient face au pied du lit.

 

 

Et c’est ce que nous retrouvons aujourd’hui : une chambre qui est encore chambre à coucher mais aussi, souvent et de manière tout à fait significative, un bureau et un espace de distraction. La chambre à coucher est entrée dans la polyvalence. On y accomplit plus d’activités et elle en est d’autant plus intime. Mais cette intimité est aussi redéfinie sinon fortement remise en question par le téléphone, l’ordinateur et la télévision. Une autre sorte de chambre se dessine et nous ne sommes plus tout à fait sûrs de pouvoir l’appeler notre chambre à coucher.

 

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