Les cadres débordés, les ouvriers démotivés

Les ouvriers se sentent zen mais se disent désinvestis dans leur travail. Les cadres, eux, sont beaucoup plus fatigués d'années en années.
Les ouvriers se sentent zen mais se disent désinvestis dans leur travail. Les cadres, eux, sont beaucoup plus fatigués d'années en années. © MAXPPP
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avec Olivier Samain , modifié à
Les premiers se sentent plus fatigués, les seconds sont plus zen mais désinvestis.

Les cadres se sentent de moins en moins bien. Alors qu’ils ont longtemps représenté le “manager“ qui ne faiblit jamais, ils déclarent désormais ressentir un niveau de fatigue comparable aux autres salariés, selon un enquête menée par le groupe Malakoff-Médéric, numéro un français de la protection sociale complémentaire.

Cette enquête, intitulée “Quel est l’état de santé des salariés en 2010 ?“, a été réalisée auprès de 3.500 salariés du secteur privé. Et le premier enseignement à en tirer est bel et bien l’usure des cadres confrontés à l’exigence d’une productivité toujours accrue.

Plus fatigués, moins efficaces

Les cadres, jusqu'à présent, résistaient mieux à la fatigue que le reste des salariés, c'est en tout cas ce qu'ils répondaient dans les enquêtes. Aujourd'hui ce n'est plus le cas : 60% avouent ressentir un état de fatigue chronique, un chiffre en hausse de 9 points en comparaison de la précédente enquête.

La crise est passée par là, avec son lot de restructurations, de baisse des effectifs et de pression en hausse. Ils sont plus nombreux que l'an dernier à pointer une dégradation de leur état de santé, mais aussi à se plaindre d'une perte globale d'efficacité : 35% seulement s’estiment très efficace dans leur travail, contre 42% en 2009. Pour Anne-Sophie Godon, Directrice de la prévention de Malakoff Médéric, "la nouvelle fonction de cadre est en train de se redéfinir. Etre cadre aujourd'hui, ça n'est certainement pas la même chose qu'il y a une dizaine d'années". "Le manager fait tampon entre les injonctions et les demandes de sa hiérarchie et les attente nouvelles des collaborateurs. Donc ça crée des situations nouvelles et complexes", explique-t-elle sur Europe 1.

“On marche sur nos réserves“

“On nous demande d’être plus productif et plus efficace, donc forcément on bosse des jours et des nuits : le week-end dernier, j’ai passé mon dimanche à bosser“, témoigne Nicolas, un ingénieur en informatique âgé de 32 ans. Depuis le début de l'année, l'équipe de dix personnes qu'il dirige n'arrive plus à faire face à une charge de travail qui a doublé en un an. Du coup, cet ingénieur enchaîne les journées à rallonge. “On marche sur nos réserves, on tourne au café. J’ai perdu quatre kilos en deux mois“, déplore-t-il.

Stéphanie travaille depuis 10 ans dans la finance. Aujourd’hui, son entreprise est en pleine restructuration et pour conserver son poste, elle est obligée de mettre les bouchées doubles. “J’ai un petit garçon : le matin je le croise une demi-heure, trois quarts d’heure, et le soir à peu près autant. Je pense que c’est un sacrifice parce que je n’ai pas fait un petit garçon pour ne pas le voir, donc cela me pose un vrai problème“, témoigne-t-elle.

Les ouvriers tournent la page après le travail

A contrario, les ouvriers semblent plus zen aujourd'hui. Ils ont pourtant été touchés au premier chef par la crise et les restructurations. Mais justement, face à ces difficultés, ils ont choisi de prendre de la distance vis-à-vis de leur travail et de se réfugier dans leur sphère privée. "Ils ont rééquilibré leurs engagements. Ils ont moins de difficultés à concilier vie personnelle et vie professionnelle", explique Anne-Sophie Godon.

D’autant que 71% estiment avoir une prise d’initiative moindre qu’auparavant. Ce les qui motive, c’est désormais davantage leur famille, leur club de foot ou leurs amis. Ils se sentent du coup plus heureux.

Cette étude apporte par ailleurs plusieurs autres enseignements : le travail est pénible pour les ouvriers dans le nord de la France, les agressions et la pression psychologique sont plus ressenties dans le Sud-Ouest. Côté hygiène de vie, les salariés se déclarent plus inquiets dans le Nord et en région parisienne. Le Sud-Est est en revanche la région la plus touchée par la consommation de produits à risque (alcool, tabac, drogue).