Le Perron

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Gravir une volée de marches avant de pénétrer dans une belle demeure, quoi de plus chic ? Mais ce petit escalier extérieur peut-il instantanément se métamorphoser en perron par la grâce d’un propriétaire en veine d’hyperbole ?

Gravir une volée de marches avant de pénétrer dans une belle demeure, quoi de plus chic ? Mais ce petit escalier extérieur peut-il instantanément se métamorphoser en perron par la grâce d’un propriétaire en veine d’hyperbole ?

 

 

 

 

Que nenni, Monseigneur, car l’apparat du perron remonte à la nuit des temps, symbole universel de la gloire de celui qui le foule. Alors qu’un simple escalier d’accès, quelle platitude (si je puis dire) ! On comprend mieux la tentante grandiloquence pour le transformer en perron…

 

 

Une fois n’est pas coutume, l’étymologie du vocable est simple puisqu’il dérive de « pierre » ; et quand on sait qu’en français le suffixe « -on » a permis de créer de nombreux noms pour exprimer soit une diminution (aigle et aiglon, corde et cordon) soit une augmentation (balle et ballon, ceinture et ceinturon), on aura tout compris ! Mais revenons-en plutôt à notre histoire de perron.

 

 

 

 

 

Chantons la péronnelle.

 

Et définissons tout d’abord le sens actuel du perron, à savoir une construction extérieure formée d’un escalier et d’un palier donnant accès à l’entrée, forcément surélevée par rapport à la chaussée, d’un bâtiment quelconque. Où l’on verra que la présence de ce palier se montre indispensable pour attester l’existence d’un perron, faute de quoi nous serions confrontés à un simple escalier extérieur.

 

A l’origine, le « perrun » se constituait d’un bloc de pierre placé à l’entrée d’une demeure pour permettre de monter ou de descendre de cheval (sorte de montoir avant l’heure), voire d’une grosse pierre sur laquelle le noble seigneur s’adressait à la foule. Ainsi, dès le haut Moyen-Age, le suzerain recevait-il ses vassaux installé sur le perron ; de la même façon, perchés sur leur degré, les prévôts rendaient-ils la justice devant l’hôtel de ville. Ce qui en dit long sur la noblesse de notre perron, signe de puissance et de pouvoir de juridiction.

 

 

 

 

Noble perron.

 

De façon plus anecdotique, on trouve également l’usage du vocable pour désigner la barrière disposée par un chevalier qui interdisait à quiconque de passer sans l’avoir combattu (rappelez-vous le Chevalier Noir dans « Sacré Graal ! » des Monty Python); ou pour décrire une stèle destinée à recevoir une inscription en souvenir d’un événement (comme le perron que Charlemagne fit ériger à Tremoigne en témoignage de sa victoire sur les Saxons). Ainsi, de tout temps, le perron a-t-il été une base élevée de pierre, de marbre, de fer ou de tout autre métal, permettant au seigneur de se hisser au-dessus de la masse : le prince, le chef de guerre, bref, le harangueur de service.

 

 

 

Une construction protéiforme.

 

Pour les passionnés d’architecture, mais ne le savent-ils pas déjà ?, apprenez qu’il existe toutes sortes de perrons : à pans (on a rogné les coins des marches), cintrés quand les marches sont rondes ou ovales, carrés (nul besoin d’en dire davantage), sans omettre les perrons doubles qui disposent de deux rampes identiques pour atteindre un même palier. Au passage, on notera que certains perrons étaient partiellement ou totalement couverts même si cela reste une exception, et se voyaient souvent parés d’exceptionnelles sculptures et balustrades.

 

 

 

Le perron de Liège.

 

Tous nos amis belges connaissent le terrible sort réservé à la ville de Liège par Charles le Téméraire, en 1467, quand après avoir détruit les enceintes de la ville pour punir ses habitants de s’être rebellés, il fit enlever le fameux perron liégeois pour l’exposer à Bruges, signe de l’humiliation faite à la ville. Même si le perron, en Belgique, ne revêtait pas la même forme architecturale qu’en France, il n’en présentait pas moins les mêmes usages : on y rendait la justice, on y promulguait les lois, il servait parfois même de pilori.

 

 

 

L’escalier extérieur.

 

Je ne vous ferai pas l’injure de détailler ce qu’est un escalier, cette suite de marches qui permet de passer d’un niveau à l’autre ; un mot issu de scalarium, en bas latin, qui signifie, sans surprise aucune, « escalier ». En fait, jusqu’au XIIIe siècle, on lui substituait fréquemment les vocables « degrés » ou « montée ».

 

D’un point de vue architectural, et pendant fort longtemps, on a favorisé les escaliers extérieurs car ils ne gênaient en rien la disposition des pièces intérieures. De surcroît, la plupart des grandes salles des châteaux se situant au premier étage, on prévoyait des rampes (pratique pour entrer à cheval comme certains aimaient à le faire) soit de larges perrons, ce qui nous ramène à notre sujet.

 

 

 

Une question de degré.

 

Ainsi, qu’il soit à large degré ou non, richement paré ou pas, le plus bel escalier extérieur ne saurait se muer en perron s’il n’arbore pas son indispensable pallier au sommet desdits degrés. Que cela reste clair.

 

Inversement, ne faites pas l’erreur, si commune, d’appeler « perron » le palier situé au sommet des marches d’un… perron qui, encore une fois, n’existe que par la réunion d’un escalier et d’un palier.