Lagarde rejoue le coup de la "ri-lance"

La directrice du Fonds monétaire internationale (FMI), Christine Lagarde, a demandé plus de temps pour le déficit de la Grèce, contre l'avis de l'Allemagne.
La directrice du Fonds monétaire internationale (FMI), Christine Lagarde, a demandé plus de temps pour le déficit de la Grèce, contre l'avis de l'Allemagne. © REUTERS
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La patronne du FMI appelle à assouplir l'austérité. Est-ce vraiment ce qu'elle veut?

La directrice du Fonds monétaire internationale (FMI) est-elle devenue le nouveau porte-étendard du mouvement anti-austérité? L'ancienne ministre de l’Économie de Nicolas Sarkozy a conseillé aux pays de la Zone euro d'adoucir leur politique de rigueur et leur objectif de réduction de déficit. "Il est parfois mieux, étant donné les circonstances et les efforts engagés de se donner un peu plus de temps. Il ne semble pas raisonnable de s'arc-bouter à des objectifs nominaux", a ainsi déclaré jeudi Christine Lagarde, citant nommément  la Grèce, le Portugal et l'Espagne. Il n'en fallait pas moins pour susciter une mise en garde de l'Allemagne, vendredi. Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble a dit craindre un signal qui créerait "de la confusion mais pas de la confiance".

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Mais Christine Lagarde est-elle vraiment partisane de moins de rigueur? Le FMI n'est il pas plutôt le chantre de l'austérité? Décryptage.

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• Un discours qui revient. La patronne du FMI l'assure : "nous n'avons pas changé notre approche." Depuis quelques semaines en effet, l'institution semble multiplier les appels pour desserrer un peu la ceinture. "Quand c'est nécessaire et possible, il faut réduire le rythme de l'ajustement budgétaire. Les plans d'austérité doivent être appliquées de la manière la plus judicieuse et souple possible", expliquait, par exemple, Christine Lagarde fin septembre.

"Notre objectif n'est pas de faire de l'austérité pour de l'austérité. Il faut préserver les dépenses publiques les plus porteuses de croissance, comme celles orientées vers les catégories sociales les plus défavorisées. Non seulement pour les protéger, mais aussi parce qu'elles sont le plus susceptibles de consommer", détaillait-elle encore dans une interview au Figaro, début octobre.

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• Le FMI en père la rigueur. Le Fonds, créanciers du Portugal, de l'Irlande ou encore de la Grèce, est pourtant à l'origine de nombreux plans de rigueur. En deux ans, en Grèce par exemple, la Troïka - FMI, Union européenne, BCE - a versé à l’État plus de 340 milliards d'euros. En contrepartie, elle a exigé une baisse de 22% du salaire minimum, une augmentation de deux points du taux de TVA, le recul de cinq ans de l'âge de la retraite, la baisse de 20% de certaines pensions ou encore le non remplacement de quatre fonctionnaires sur cinq. Ce qui n'a pas semblé déplaire à la patronne.

"Aujourd'hui, le gouvernement grec fait des efforts réels et considérables pour avancer. Il doit continuer d'en apporter la preuve", a commenté Christine Lagarde. Pour l'Espagne, elle a également qualifié de "mouvement dans la bonne direction" le plan de rigueur drastique visant à économiser 65 milliards d'ici 2014, annoncé en juillet.

"Comme appuyer sur le frein et l'accélérateur en même temps"

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• La "ri-lance", déjà sous Sarkozy. Alors, contradictoire Christine Lagarde, lorsqu'elle salue les plans de rigueur et demande à la fois plus de souplesse? Elle, soutient l'inverse. "Croissance et austérité ne sont pas incompatibles", a-t-elle clairement avancé au Figaro début octobre. Elle semble ainsi suivre la même stratégie depuis ses années au gouvernement Fillon. Souvenez-vous. C'était en juillet 2010, lors des rencontres économiques d'Aix-en-Provence.

"Relance ou rigueur, ce n'est pas un choix, ce n'est pas un nœud gordien pour moi. La politique que nous menons, c'est une politique de ri-lance". Par ce néologisme, raillé par quelques commentateurs, notamment à gauche, la ministre de l’Économie d'alors désignait un "subtil dosage qui consiste à réduire la dépense publique là où ce sera le moins douloureux pour la perspective de relance de l'activité". Cette stratégie, mêlant par exemple le report de l'âge du départ à la retraite (rigueur) et le maintien du niveau des pensions ou l'investissement dans la recherche (relance), ressemble fort à celle prônée aujourd'hui par la patronne du FMI en zone euro.

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• Le mixe austérité-relance peut-il marcher? Pas une mauvaise idée, avaient alors dit plusieurs spécialistes. À deux conditions : que les ménages aient assez d'épargne pour continuer à consommer suffisamment pour la croissance, malgré les hausses d'impôts et réductions de dépenses nécessaires. Et qu'ils aient assez confiance en l'avenir pour avoir envie de consommer.

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D'après plusieurs autres, c'est un mélange impossible. "C'est comme appuyer sur la pédale de frein et sur la pédale d'accélérateur en même temps. A choisir entre rigueur et relance, la priorité serait de ramener le calme en réduisant la dette publique. L'important aujourd'hui, c'est de rassurer les marchés qui sont terrifiés par la crise économique en Europe", avait alors soutenu au Monde l'économiste Daniel Diatkine.