Détecteurs de fumée : une facture qui peut devenir fumeuse

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Carole Ferry et , modifié à
TARIFS DE LUXE - Prix multipliés par quatre, formulation ambigüe : l’installation d’un DAAF est devenue une aubaine pour certains syndics de copropriété.

Déjà brocardés en raison de leurs tarifs jugés excessifs, les syndicats de copropriété ne vont pas voir leur image s’arranger. Car la nouvelle obligation d’installer un détecteur de fumée (DAAF) dans toutes les habitations peut parfois virer à l’arnaque : certains syndicats facturent au prix fort l’installation d’un boitier qui ne coûte pas grand-chose et dont la pose nécessite 5 minutes de travail. L’UFC Que-Choisir tire la sonnette d’alarme.

Les détecteurs de fumée, une obligation pas compliquée. A partir du 8 mars prochain, ces appareils sont obligatoires dans toutes les habitations, même si aucune sanction n'est prévue pour l’instant. Mais le jeu en vaut la chandelle : de tels détecteurs réduisent grandement le risque d’incendie domestique et d’intoxication, responsables de 800 morts par an. Et surtout, installer un détecteur de fumée n’est pas compliqué ni coûteux : l’appareil se vend en moyenne 20 euros et son installation nécessite 10 minutes au maximum. Deux trous dans un mur suffisent et les moins bricoleurs peuvent se contenter de le coller au plafond.

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Mais que certains facturent très cher. Ce qui ne devrait être qu’une simple formalité est pourtant source de nombreux abus, si bien que l’UFC Que-Choisir s'en inquiète. Et il y a de quoi : de nombreux syndicats proposent des détecteurs de fumée à des tarifs prohibitifs.

Nexity propose ainsi cette prestation pour 96 euros, soit plus de quatre fois le prix d’achat d’un détecteur. Citya la facture 90 euros alors que la société chargée de la pose, qui est une de ses filiales, l’achète 23 euros l’unité. Quant au syndic Espacil, il assure avoir négocié une "commande groupée" pour obtenir les meilleurs tarifs... soit tout de même 52 euros.

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Sollicité par un autre syndicat de copropriété, le spécialiste des compteurs d'eau et d'électricité Ista propose carrément de le louer au tarif de 14,40 euros par an et ce sur dix ans. Soit un total de 144 euros. Pour justifier un tel montant, il met en avant un entretien régulier et un télé-diagnostic. Or, tous les détecteurs de fumée ont une fonction test qui permet de vérifier son bon fonctionnement, une opération qui nécessite 10 secondes.

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Suite à la publication de cet article, Ista a tenu à faire savoir qu'il refusait "catégoriquement que (sa) prestation puisse être assimilée à une 'arnaque'". Mettant en avant la "valeur ajoutée" de sa "solution", Ista estime que son offre qualitativement irréprochable et financièrement intéressante "lorsque l’on connait (ne serait-ce que) le prix du déplacement et de l’intervention d’un technicien qualifié, et compte tenu de la responsabilité qui est prise par Ista en terme de diagnostic à distance et de garantie de maintenance". A ses yeux, pour 144 euros sur 10 ans, le client n'achète pas qu'un appareil mais aussi un service et la tranquillité. Et Ista d'ajouter que ce tarif concerne les petites copropriétés et qu'il peut descendre à 96 euros dans les grands ensembles.

Une formulation souvent trompeuse. Moins gourmande, la société Sergic propose, elle, une installation facturée 47,90 euros. Et le syndicat d’ajouter : "le montant de cette dispense sera imputé sur les charges de votre budget courant. Par ailleurs, nous vous indiquons que la pose de ce détecteur devra être réalisée par l’employé de l’immeuble".

Une formulation qui peut laisser penser au propriétaire qu’il n’a pas le choix, alors que ce n’est pas du tout le cas. "On  a des syndics qui vont détourner les propos de la loi en disant que c’est une obligation qui incombe au syndicat des copropriétaires et qu’à ce titre, ils vont imposer l’achat d’un détecteur de fumée et ils vont jusqu’à dire ‘on va prélever l’argent directement sur les finances de la copropriété. Ce sont des abus", prévient , Emile Hagége, directeur adjoint de l'association des responsables de copropriété (ARC).

Elisabeth, 90 ans, a justement failli se faire avoir. "J’ai reçu une lettre du syndic qui s’occupe de mes trois studios, dans laquelle il me dit que je dois installer des détecteurs de fumée avant le 8 mars. Et dans cette lettre, la prestation, TVA comprise, pour chaque appareil installé est de 65 euros pour le modèle de base ou 85 euros pour modèle avec piles au lithium. Dans ma naïveté, je me suis "encore des dépenses" ", témoigne-t-elle. Cette dernière a néanmoins eu la bonne idée d’en parler à son fils, qui l’a mise en garde et va finalement installer lui-même ces détecteurs. Soit, pour trois studios, une économie de près de 150 euros.