CGT : qui se cache derrière la moustache de Martinez ?

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PORTRAIT - Le patron de la fédération de la métallurgie a été désigné mardi à la tête de la CGT pour remplacer Thierry Lepaon.

Qui est Philippe Martinez, le successeur de Thierry Lepaon ? Le Comité confédéral national (CCN), le parlement de la CGT, a élu "à la quasi-unanimité" l'ex-patron de la Fédération des métaux à la tête de la centrale. Philippe Martinez, proche des valeurs traditionnelles de la CGT, est décrit comme un "bosseur", à l'écoute et capable de fermeté. Portrait.

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Pas un "réformiste". Philippe Martinez, la cinquantaine, est un ancien technicien de Renault Boulogne-Billancourt, où il était délégué syndical central. Il dirige depuis 2008 la Fédération des métaux, la troisième fédération de la CGT en nombre d'adhérent, et la première dans le privé. S'il reste discret sur sa vie - il ne communique même pas sa date de naissance - on en sait un peu plus sur ses convictions.

Selon un observateur du monde syndical cité par l'AFP, Philippe Martinez appartient en effet à la "ligne Boulogne-Billancourt", très en phase avec le Parti communiste, dont il aurait même la carte, et dont il embrasse souvent le discours. "Le problème ne vient pas des salariés des autres pays, ni des salariés étrangers qui travaillent à coté de nous tous les jours. Le problème, c'est le patronat, qui exploite cette misère pour mieux rabaisser tous nos acquis sociaux. Notre responsabilité: ne pas laisser passer les idées du Front national", déclarait-il par exemple, en juin dernier, lors de son discours de clôture du congrès de sa fédération, relayé par Challenges.

Dans le conflit interne à la CGT entre "moderniste", partisans d'une souplesse dans les négociations avec le patronat, et  traditionnels, Philippe Martinez se classe, pour l'instant, clairement dans le deuxième camp. "Il se positionne sur une ligne favorable à un syndicalisme de lutte de classe, attentive aux exigences du Parti communiste", décrypte Bernard Vivier, le directeur de l'Institut du travail, cité par Le Figaro. Dans les faits, cela s'est traduit l'an dernier par le refus de signer l'accord avec le patronat sur la formation professionnelle, avec lequel la direction de la CGT était pourtant favorable.

"À l'écoute", "bosseur"… Mais le nouveau numéro un de la CGT n'est pas un dogmatique. "Une fois arrivé au pouvoir, rien ne dit qu'il ne composera pas davantage. Il est ouvert à la discussion", explique Bernard Vivier. "Il écoute beaucoup et est capable de déléguer", ajoute Christian Garnier, délégué central chez Alstom qui le croise de temps en temps. La plupart de ses pairs qui le connaissent lui prêtent d'ailleurs les qualités requises pour diriger la centrale.

"C'est un gros bosseur, qui maîtrise parfaitement tous les dossiers industriels" et "se déplace beaucoup" sur le terrain, raconte ainsi Christian Garnier. Pour Bruno Lemerle, représentant CGT chez PSA, il est "franc" et "bosseur". Il est "sérieux, rigoureux, intelligent et modeste" pour Jacques Bauquier, responsable régional de la CGT en Franche-Comté. A la CFE-CGC, le responsable de la fédération métallurgie Gabriel Artero évoque quelqu'un de "discret", "posé", "qui semble aussi déterminé". "La fédération de la métallurgie fonctionne très bien avec lui", estime encore Isabelle Colino, déléguée CGT de PSA Sochaux.

… Mais pas consensuel. Mais si sa fédération "fonctionne très bien", cela ne semble pas suffisant selon certains. D'après l'AFP, en interne, on lui reproche parfois de ne pas avoir réussi à développer sa fédération et de pas avoir fait preuve d'un grand dynamisme à sa tête. En outre, il risque aussi de se faire reprocher son attitude envers Thierry Lepaon, l'ex numéro un, avec qui il est resté très conciliant malgré les polémiques. "Ce n'est pas quelqu'un de consensuel, beaucoup ne l'aiment pas en interne", avoue ainsi un observateur des questions sociales cité par Le Figaro.

Il veut "rectifier" la CGT. Mais s'il s'est retenu de tirer à boulets rouges sur Thierry Lepaon, Philippe Martinez ne s'est pas montré avare en critiques envers la centrale dans son ensemble, qu'il voudrait bien réformer de fond en comble. Les faits reprochés à l'ancien numéro un de la CGT "vont au-delà du seul secrétaire général et au-delà d'un seul dysfonctionnement", explique-t-il dans la dernière lettre de la fédération. Des "questions de déontologie par rapport aux valeurs de notre organisation" notamment. "On s'est trop éloignés de la démarche syndicale, il y a besoin de rectifier", écrit-il en prônant plus de rigueur dans l'utilisation des moyens du syndicat, notamment à la confédération, où "il n'y a aucune règle de vie".