Austérité : véritable casse-tête pour les hôpitaux publics

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RIGUEUR - Les dépenses de santé ne cessent d’augmenter, une tendance que le gouvernement veut limiter. Mais gérer les ressources humaines s’annonce compliqué.

Pressé par l’Union européenne de respecter ses engagements en matière de déficit, le gouvernement français a chargé chaque ministère d’identifier des pistes d’économies. A la Santé, Marisol Touraine a donc planché sur le sujet et aurait proposé il y a un mois une feuille de route. Lorsqu’on sait que l’emploi représente 70% des dépenses de l’hôpital, un coup de rabot sur les effectifs est à redouter, probablement sous la forme de non remplacements de départs à la retraite. Encore faut-il savoir qui fait quoi et qui peut ne pas être remplacé.

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Le tour de vie budgétaire qui s’annonce. L’information n’est pas encore officielle, mais les objectifs seraient déjà chiffrés : selon un document interne du ministère de la Santé, que s’est procuré Challenges, le gouvernement va demander aux hôpitaux publics d’économiser 3 milliards d’euros d’ici fin 2017 dans le cadre de l’Objectif national des dépenses d’Assurance maladie (Ondam). La majeure partie viendrait du développement de la chirurgie ambulatoire (1 milliard d’euros d’économies attendues) et d’une meilleure gestion des achats auprès de fournisseurs (1,2 milliard), mais une autre source d’économie est, elle, bien plus sensible : la masse salariale.

Dans un contexte où les besoins de santé augmentent, le ministère de la Santé ne peut pas demander des suppressions de postes : il n’y aura pas de baisse budgétaire mais une "limitation de la hausse". Il aurait donc décidé de miser sur le non remplacement des départs à la retraites : une "maitrise de la masse salariale" qui doit permettre d’économiser 860 millions d’euros sur trois ans. "Soit l’équivalent de 22.000 postes et 2% des effectifs de la fonction publique hospitalière", dixit Challenges. Mais où les hôpitaux vont-ils pouvoir trouver ces postes à ne pas remplacer ?

Un départ à la retraite sur trois non remplacé ? Pour mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir, il faut d’abord se pencher sur les effectifs de la Fonction publique hospitalière. Hôpitaux publics, Ehpad, établissements sociaux et médico-sociaux : fin 2011, 1.192.400 personnes travaillaient pour la fonction publique hospitalière, selon le dernier rapport de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

En 2013, 21.696 titulaires de la Fonction publique hospitalière sont partis à la retraite, à l’âge moyen de 58,9 ans. L’objectif de 22.000 départs à la retraite non remplacés sur trois ans signifie donc qu’environ un départ sur trois ne serait pas remplacé. Tout sauf anodin, mais ce chiffre doit être relativisé : mardi, on assurait du côté du ministère de la Santé que le nombre de postes n’était pas du tout arrêté et que le chiffre de 22.000 n’était qu’une "déduction arithmétique".

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Dans quelle catégorie de personnel des économies sont-elles possibles ? Quand bien même le nombre de "néoretraités" à ne pas remplacer serait fixé, le monde hospitalier ne serait pas plus avancé car il resterait à savoir quel type de métier doit être préservé et quel autre peut supporter un coup de rabot. Les infirmiers, les anesthésistes ou les pédiatres ? Les agents administratifs ou les soignants ?

Une équation arithmétique que les organisations syndicales de la fonction publique hospitalière ont bien du mal à résoudre. D’abord car le ministère de la Santé était mardi encore très flou sur ses intentions. Ensuite parce que la vie quotidienne des hôpitaux est déjà très souvent à flux tendu : vieillissement de la population oblige, les médecins et les infirmiers sont de plus en plus sollicités. Une organisation syndicale a bien estimé que la seule variable d’ajustement est à chercher du côté du corps administratif, mais cette catégorie ne pourrait supporter tous les efforts pour le reste du monde hospitalier.

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L’emploi hospitalier : un pilotage compliqué faute d’indicateurs. Pour éviter de compliquer la vie quotidienne d’hôpitaux, l’administration a donc intérêt à bien identifier les postes à ne pas remplacer. Sauf qu’elle peine déjà à savoir qui fait quoi et qui va partir à la retraite, comme le dénonçait un rapport de la Cour des Comptes daté d’octobre 2014.

"L’appréciation des vacances de postes dans les hôpitaux publics souffre d’une absence de données consolidées et fiables, permettant d’apprécier les difficultés structurelles des établissements à recruter", pointait ce rapport, avant de citer l’exemple des anesthésistes : pour les CHU, 13% des postes sont vacants, alors que le ministère de la Santé estime que 27,6% des postes disponibles ne sont pas pourvus. Une différence du simple ou double : dans ces conditions, il est difficile d’établir un état des lieux pour identifier là où des économies sont possibles.

La Cour des comptes recommandait donc à la fonction publique hospitalière de "se doter des outils nécessaires à un suivi précis et régulier de l’évolution de la masse salariale". Avant d’ajouter : "l’extension de ces démarches doit conduire à des projections systématiques à moyen terme d’effectifs-cible par métiers, qu’il conviendra de rapprocher des départs en retraite prévus pour déterminer les recrutements pertinents à opérer". Sans ces indicateurs, le tour de vis demandé risquerait de ressembler à une politique de l’approximation difficilement acceptable par le monde médical. Selon les informations d’Europe 1, le ministère de la Santé doit officialiser ses intentions au cours de la deuxième quinzaine de mars.

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