AAA : l'étrange timing de S&P

S&P a lancé son avertissement sans tenir compte de l'accord franco-allemand conclu lundi.
S&P a lancé son avertissement sans tenir compte de l'accord franco-allemand conclu lundi. © REUTERS
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avec agences , modifié à
Le moment choisi par l'agence de notation pour ses annonces fracassantes fait débat.

Etait-ce un moyen de faire pression sur le couple franco-allemand ? D'après Alain Juppé, les autorités françaises ont été prévenues dès lundi matin de l'avertissement de l'agence de notation Standard & Poor's, soit avant la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Le placement sous surveillance des notes de quinze pays de la zone euro a été annoncé officiellement après la rencontre mais S&P a reconnu ne pas avoir tenu compte de l'accord franco-allemand conclu dans l'après-midi.

Ce timing étonne Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères. "Ce qui me frappe, c'est le décalage de cette annonce", a-t-il affirmé. "Nous savions ce qui allait se passer [lundi] matin et Standard & Poor's ne savait pas ce qui allait se passer dans la journée, c'est-à-dire l'accord franco-allemand". "Ces appréciations interviennent trois jours avant un Conseil européen plutôt qu'après pour en évaluer l'impact", s'est étonné Michel Barnier, commissaire européen chargé des marchés financiers.

Des "facteurs politiques"

Les méthodes de Standard & Poor's sont critiquées, quelques semaines après la monumentale bourde de l'agence, qui avait annoncé par erreur la dégradation de la note française. Sur son blog, Dominique Seux, des Echos, rappelle que chez S&P, moins de dix personnes sont chargées d'analyser la France. Elles sont dirigées par deux "experts seniors" et la synthèse est faite à New York.

Pour le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, la décision de S&P "arrive, une nouvelle fois, complètement à contretemps", après un accord franco-allemand "extrêmement puissant". Et pour lui, la "méthodologie" de l'agence "est maintenant plus liée à des facteurs politiques qu'aux fondamentaux économiques".

Détourner l'attention des Etats-Unis

Même son de cloche outre-Rhin, où Michael Fuchs, l'un des ténors de la CDU d'Angela Merkel, a dénoncé un "calcul d'ordre politique derrière cette annonce". Pour lui, l'explication est simple : il s'agirait tout simplement pour S&P de détourner l'attention des problèmes d'endettement des Etats-Unis, dont la dette "dépasse celle de la zone euro toute entière". Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a quant à lui considéré que cet avertissement constituait "la meilleure incitation possible" avant le sommet de l'Union européenne qui se tient vendredi.

Car S&P a déjà annoncé la prochaine échéance. En principe, une mise sous surveillance d'un pays signifie que l'agence peut décider de baisser sa note dans les trois mois. Mais S&P est pressé et entend bien agir dans la foulée du sommet européen de vendredi, considéré par certains comme un sommet de la dernière chance pour sortir de la crise de la dette.