Mrs Fletcher
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La série HBO "Mrs. Fletcher", diffusée sur OCS en France, s'intéresse à une mère divorcée partie à la (re)découverte de sa sexualité à l'âge de 45 ans. Un petit morceau de bravoure drôle et poétique, qui rompt avec la réputation sulfureuse savamment entretenue par la chaîne.

Qui a dit que le sexe dans une série HBO devait forcément être trash ? La chaîne américaine a, il est vrai, habitué son public à n'avoir pas froid aux yeux. Entre les relations incestueuses ou les violences sexuelles de Game of Thrones et les débauches adolescentes d'Euphoria, sa réputation n'est pas tout à fait usurpée. Mais avec Mrs. Fletcher, mini-série de sept épisodes diffusée en France depuis le 28 octobre sur la plateforme OCS, HBO prouve qu'elle est capable d'autre chose.

À la redécouverte de soi

Cette Mrs. Fletcher, Eve de son prénom, est un cliché sur pattes. Divorcée, 45 ans, elle élève seule son fils Brendan, vit dans une grande maison standardisée d'une banlieue américaine des plus communes et achète des paquets de chips au format familial plus souvent qu'elle ne va faire du sport. Son job de directrice d'un centre pour personnes âgées lui apporte son lot de déboires et de petites satisfactions.

Cet équilibre va se trouver bouleversé le jour de la rentrée, lorsqu'Eve largue sa progéniture dans l'internat de la faculté locale et se retrouve seule face à elle-même et aux cupcakes rassis que le fiston n'a pas eu le temps de manger avant de partir. Encouragée par sa meilleure amie à considérer qu'il s'agit plus d'un nouvel espace de liberté que d'un abîme de solitude, la quadragénaire cherche alors à "s'amuser". Ce qui l'entraîne, un peu par hasard, sur un site pornographique. L'ouverture d'une boîte de Pandore menant à la (re)découverte de sa sexualité et de son propre corps.

Gracieuse maladresse

Submergée par des désirs et des fantasmes qu'elle-même n'avait pas soupçonnés, Eve entame alors un long et tortueux chemin, pour les accepter d'abord, les assouvir ensuite. Il n'y a là rien de vulgaire, au contraire. La série rend bien compte de la gracieuse maladresse de son cheminement, entre l'angoisse du premier date depuis des années, la difficulté à assumer une sexualité qui ne correspond pas à celle de la mère de famille traditionnelle selon les normes en vigueur, et la mélancolie cotonneuse des grands virages de l'existence. La tonalité générale pleine de poésie de Mrs. Fletcher est tout entière résumée dans une scène de bain de minuit magnifique, durant laquelle Eve se met à nue, dans tous les sens du terme.

Si la série doit beaucoup à son interprète principale, Kathryn Hahn, elle tient aussi sur une galerie de personnages secondaires surprenants et attachants. Il y a la meilleure amie, stéréotype tragico-comique de la housewife américaine, mais surtout la professeure d'écriture, jeune femme trans à la recherche de l'amour, et le fils, Brendan. Cette figure est probablement la plus intéressante tant elle apparaît, au début de l'histoire, comme détestable. Cet adolescent mal dégrossi, suintant la confiance en lui, passe du statut de superstar du lycée à celui de loser à la fac. En suivant son parcours chaotique, la série déconstruit savamment, et intelligemment, toute la masculinité toxique du personnage. Cruel, salutaire et émouvant.