Unbelievable
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Sortie le mois dernier sur la plateforme Netflix, la mini-série "Unbelievable" explore avec finesse et précision la culture du viol, tout en gardant les allures d'une enquête rondement menée.

Les true crime ont le vent en poupe. Qu'elles soient documentaires (Making a murderer, Ted Bundy : Autoportrait d'un tueur) ou de fiction (Mindhunter, Dans leurs yeux), les séries adorent ces histoires tirées de faits divers bien réels. Au point parfois de sombrer dans un voyeurisme malvenu. Unbelievable, dernière-née des true crime de Netflix, prouve avec brio qu'il est tout à fait possible de ne pas sombrer dans ce travers. Et même de transcender le genre policier pour offrir une réflexion bien plus large.

L'histoire est celle de Marie, 18 ans, jeune fille au passé compliqué, trimbalée de maisons d'accueil en foyers. La série s'ouvre avec elle, tremblante, roulée dans une couverture, interrogée par un policier : elle lui raconte qu'un homme masqué s'est introduit chez elle, à Lynnwood, dans l'état de Washington, et l'a violée la nuit précédente.

Une enquête et une "mauvaise victime"

S'ensuit un long et douloureux parcours médico-judiciaro-administratif pendant lequel la jeune femme est interrogée, examinée, ré-interrogée, raccompagnée chez elle, ré-ré-interrogée. Finement, sur un épisode entier (le premier), Unbelievable donne à voir la brutalité de ce processus dès lors qu'il n'est pas mis en place par des personnes formées. Comment chaque mot, chaque geste, devient dur et déplacé face à une femme victime de viol.

Marie a en plus le mauvais goût de ne pas rentrer dans la catégorie de la victime idéale, celle qui reste prostrée chez elle. Dans ses anciennes familles d'accueil, on la trouve bien trop détachée par rapport à ce qu'elle vient de subir. Son témoignage varie un peu, on lui connaît aussi une tendance à vouloir attirer l'attention. Bientôt, les enquêteurs en sont persuadés : elle a menti. Un coup de pression plus tard, Marie avoue que tout était faux.

Trois ans plus tard, à des centaines de kilomètres de là, dans le Colorado, Grace Rasmussen et Karen Duvall, deux enquêtrices, unissent leurs forces un peu par hasard sur des affaires de viols en série qui couvrent leurs juridictions respectives. Le modus operandi de l'agresseur n'est pas inconnu du spectateur : un homme masqué s'introduit chez des femmes et les viole la nuit.

"Où est l'indignation ?"

Efficace dans ses allers-retours entre l'enquête et la vie brisée de Marie, poursuivie par l'État pour fausse dénonciation, la série Unbelievable l'est aussi pour son examen de la culture du viol. Ou comment, de manière systémique, la société a intégré, accepté les violences faites aux femmes. Tout au long de leur enquête, Rasmussen et Duvall se prendront cette réalité en pleine tête : lorsqu'il leur faudra reprendre des investigations bâclées par d'autres, convaincre des supérieurs hiérarchiques dubitatifs, ou se plonger dans d'effarantes statistiques.

Tout ici est vrai : Unbelievable est l'adaptation d'un article, publié en 2015 par ProPublica et couronné d'un Pulitzer, sur cette incroyable erreur judiciaire et l'enquête menée tambour battant qui a permis, des années plus tard, de la réparer. La série tient aussi sa force dans sa capacité à laisser filtrer une certaine humanité, notamment via les personnages de ses inspectrices (interprétées par les formidables Toni Collette et Merritt Wever). Mais ce qui reste à la fin est sûrement ce cri du cœur de Rasmussen : "En soi, ce n'est la faute de personne à 100%, c'est ça le problème, personne n'est responsable, personne ne s'intéresse aux données statistiques sur les violences faites aux femmes. Et si les hommes étaient violés autant que les femmes le sont ? Où est l'indignation ?"