Le débat : Bertrand Cantat peut-il encore chanter ?

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G.P. , modifié à
L'avocat pénaliste Henri Leclerc, ancien président de la Ligue des droits de l’homme, et Nadia Daam, chroniqueuse à Europe 1, débattent de la question dans Europe matin.

Au lendemain de l'annonce de l'annulation de sa tournée des festivals de l'été, Bertrand Cantat a été hué mardi soir, à Grenoble. Pris à partie par des manifestants devant la salle de concert où il devait se produire, le chanteur, condamné pour "coups mortels" et la mort de Marie Trintignant, a dû être escorté par la sécurité. Sur sa page Facebook, il a déploré ensuite des méthodes dignes d'un retour au Moyen-Âge.

"Sur le plan juridique, il est quitte". Henri Leclerc, auteur d'une interview dans laquelle il indique que Bertrand Cantat a le droit de se réinsérer, rappelle que "la réhabilitation est attachée à la peine elle-même". L'ancien président de la Ligue des droits de l'homme n'élude pas la douleur de la famille de la victime et de ses proches, mais il souligne également que "l'un des grands principes de la réforme du code pénal de 1993, a consisté à ne plus attacher à la peine des sanctions permanentes. (...) Sur le plan juridique, il est quitte".

Henri Leclerc explique que le cas du chanteur arrive dans un moment de l'histoire très précis, qui pose, de fait, le débat sur un terrain moral. "Il est confronté à un mouvement de prise de conscience des femmes, qui est fort justement destiné à condamner et éradiquer ce que sont les violences. Mais ce à quoi nous assistons, c'est aussi une forme de lynchage. Et je déteste ces foules qui s'excitent elles-mêmes, qui crient à mort sur une personne. Le lynchage est un acte délirant et c'est à cela que nous assistons".

"Purger sa peine, ce n'est pas effacer une ardoise dans un bistrot". De son côté, Nadia Daam estime que l'on a créé "une division entre les défenseurs de l'état de droit et les censeurs", alors que "ce n'est pas comme ça que ça se passe". "On peut être attaché à l'état de droit mais également à l'éthique. Et là, il s'agit d'un vrai problème de décence", selon la chroniqueuse. "On parle d'une personnalité publique, écoutée par les jeunes", tient à indiquer Nadia Daam. La journaliste affirme que "purger sa peine, ce n'est pas effacer une ardoise dans un bistrot : on ne remet pas les compteurs à zéro. Bertrand Cantat est un meurtrier qui se produit sur scène et la symbolique que cela envoie est importante", notamment dans le contexte actuel.

"Tout ce qui n'est pas interdit par la loi, ne peut être empêché". Ce qui pose également problème, aux yeux de la chroniqueuse d'Europe 1, c'est le fait que Bertrand Cantat se produise sur scène. "Je suis vraiment dérangée par ce besoin qu'il a d'être dans la lumière, je pense que cela relève de la psychiatrie", déplore la journaliste. Un constat qu'Henri Leclerc n'accepte pas. "Mais qu'est-ce que c'est que cette façon 'd'imposer' madame ? Cet homme est libre. Que l'on puisse déplorer qu'il fasse cela, qu'on le regrette et qu'il ne fasse pas autre chose, très bien : mais lui, il est libre", soutient Henri Leclerc. "Nous sommes dans une société de droit. Tout ce qui n'est pas interdit par la loi, ne peut être empêché : c'est le principe fondamental. (...) Il a peut être tort, mais je ne le juge pas moralement".