Philippe Geluck est confiné chez lui, en Belgique (photo d'archives). 2:41
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Margaux Lannuzel
Chaque semaine pendant le confinement, Frédéric Taddeï interroge des invités non plus "En Balade", mais par téléphone, pour leur demander comment ils vivent cette période si particulière. Vivant au-dessus de son atelier en Belgique, Philippe Geluck peut continuer à travailler et s'estime particulièrement chanceux. 
INTERVIEW

En avril, il devait exposer vingt statues monumentales de son légendaire Chat dans les rues de Paris, près des Champs-Elysées. Le confinement en a décidé autrement. Le projet que Philippe Geluck préparait depuis deux ans est "momentanément annulé", mais le dessinateur s'en accommode. Confiné en Belgique, il raconte sur Europe 1 un quotidien pas si différent de l'ordinaire, et assure penser beaucoup aux autres. 

>> Pendant le confinement destiné à ralentir la propagation de l'épidémie de coronavirus, Frédéric Taddeï réinvente En Balade avec et interroge, à distance, des personnalités sur la manière dont ils et elles vivent cette période. Retrouvez toutes ses émissions en podcast et en replay ici 

Au bout du fil, Philippe Geluck s'amuse d'abord. "Quand j'ai annoncé que j'allais faire cette exposition entre les Champs Elysées et le Rond-Point, tout le monde a commencé à me dire : 'Tu n'as pas peur des gilets jaunes ?'. J'ai dit : 'D'abord ce n'est que le week-end, et puis ça va se calmer, certainement.'", raconte-t-il. "Ça s'est calmé, et j'ai pu leur dire : 'vous voyez, on respecte mon projet'."

"Patatras, coronavirus"

"Un peu plus tard, il y a eu les manifestations contre la réforme des retraites", enchaîne le dessinateur belge. "Et là on m'a dit : 'Mais tu n'as pas peur qu'ils viennent t'emmerder ou renverser tes sculptures ?'. Et puis, ça s'est calmé. Et en décembre dernier, il y a eu une tension qui s'est ressentie tout à coup entre les Etats-Unis et l'Iran, et je me disais : ça va me tomber dessus, il va y avoir une guerre mondiale pendant mon exposition sur les Champs-Elysées, ce qui me contrariait un peu..."

"Et puis, grâce à cet avion qui est tombé par mégarde [un Boeing ukrainien abattu par l'Iran, ndlr], et je me suis dit : c'est bon pour moi. Pour le monde entier, mais en particulier pour mon projet. Donc là je me suis dit : ça va le faire, au mois d'avril on fait l'expo. Et patatras, coronavirus. Donc je pense qu'il y a un mouvement mondial contre mon projet et ça m'attriste."

"Je me fais du souci pour les autres"

Et puis, Philippe Geluck se fait plus sérieux. Pour raconter son confinement en Belgique, un pays "plutôt respectueux des règles". "Je pense que les Belges sont un peu plus civiques que ne peuvent l'être ce grand peuple ami qui vit au sud de chez nous... Mais bien sûr, il y a des gens qui se sont précipités sur le PQ comme chez vous, sur les boîtes de thon et les sardines, on ne refait pas la nature humaine."

Lui vit au-dessus de son atelier, qui accueille d'habitude des collaborateurs, tous mis en télétravail. Il profite de sa terrasse. "J'ai l'impression d'être un gros privilégié, (...) je descends à l'atelier tous les jours et je travaille, mais je fais ça tous les jours de ma vie depuis 40 ans. Alors, il n'y a pas un grand changement personnel. Mais je me fais du souci pour les autres."

Les autres, ce sont "les personnes qui sont confinées dans des appartements de 25m², à deux, trois, quatre ou cinq parfois. Je me dis que ça doit être très dur à vivre et à traverser et je leur tire mon chapeau." Mais aussi "les femmes victimes de violences conjugales, qui se retrouvent cloîtrées, avec un connard en face d'elles. J'ai peur qu'il y ait des drames qui se déroulent en ce moment, et on ne peut rien faire, sinon lancer un appel à la douceur, à la tendresse et à la réflexion sur ses propres actes." 

L'esprit de Philippe Geluck est aussi, parfois, traversé par le songe d'une période "post-apocalyptique, où la moitié de la population a disparu et où on se retrouve dans des lieux complètement déserts, comme dans un film". Des films qu'il regarde désormais sans agenda, "la notion de week-end nous ayant un peu quittés."