"La vie en relief" : Philippe Delerm se souvient du temps qui passe et des petits plaisirs

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Mathilde Durand
Philippe Delerm publie "La vie en relief" aux Editions du Seuil. Fidèle à son genre de prédilection, il propose un recueil "d'instantanés littéraires" pour célébrer les plaisirs quotidiens, ceux qui font le sel de la vie. Entre souvenirs, sensations vécues et réflexions sur le temps qui passe, l'écrivain se raconte au micro d'Europe 1. 
INTERVIEW

Les souvenirs et les sensations comme relief de la vie. L'écrivain Philippe Delerm publie son nouveau livre La vie en relief aux Éditions du Seuil. Un recueil d'"instantanés littéraires" qui invite le lecteur à se plonger dans les différentes étapes de la vie, à savourer le temps qui passe en accordant de l'importance aux petits plaisirs et détails qui sont pourtant majeurs et font la richesse de l'existence. "Faire du réel le miel de son écriture c'est un petit peu merveilleux", confie l'auteur au micro d'Europe 1. "Mais cette fois-ci, j'ai eu le sentiment de vouloir traduire quelque chose qui m'habite depuis quelques années."

Cette sensation ? Vivre les choses de manière multiples, à la fois en tant qu'enfant, adolescent, homme d'âge mûr et "vieux", explique l'écrivain, notamment reconnu pour son recueil de proses publié en 1998 La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. "Il faut assumer cela", ajoute-t-il. 

"C'est un peu agaçant d'entendre les gens qui commencent à avoir un peu d'âge dire 'ça c'était de mon temps', comme s'ils n'appartenaient plus au temps", poursuit Philippe Delerm. Lui préfère cette phrase, en exergue sur la couverture de son nouvel ouvrage : "Je ne suis pas de mon temps, je suis de tout mon temps."

"Heureusement on appartient toujours au temps, et peut-être davantage quand on est spectateur des choses et qu'on a l'occasion de vivre avec des enfants, des petits-enfants qui vous font naître à chaque fois que vous faites des choses avec eux", assure le père de l'auteur-compositeur Vincent Delerm.

Le pouvoir du livre

Au fil des pages, Philippe Delerm raconte ses souvenirs. Notamment une rencontre "incroyable" avec deux Suédoises qui avaient tout quitté après avoir lu l'un de ses ouvrages, Il avait plu tout le dimanche, publié en 1998. "Je suis quelqu'un qui a attendu longtemps avant de publier et je rêvais, peut-être un jour, d'être traduit en livre de poche. Mais être traduit dans une langue étrangère, je n’y pensais même pas", raconte-t-il. "Et là, ce sont des Suédoises qui, dans un livre traduit en suédois, ont eu envie d'apprendre le français, de venir en France pour y vivre. Et ça m'a complétement interpellé."

"Il y a une notion de responsabilité, et en même temps c'est extraordinaire cette espèce de pouvoir", confie l'écrivain au micro d'Europe 1. "Quand on parle de mise en relief, on a l'impression que le livre a un pouvoir infini qui nous étreint et c'est formidable."

Une branche, une soirée d'été, une sensation d'euphorie pendant le Capes

Dans La vie en relief, l'auteur évoque ses proches, famille ou êtres aimés. Il revient notamment sur sa mère et la preuve d'amour qu'il conserve encore sur son bureau : une branche cueillie par cette dernière, alors qu'il n'était âgé que de sept ans. Victime de problèmes de santé durant de longs mois, il doit s'éloigner de sa mère et s'établir dans une maison de santé.

"La dame qui m'accueillait avait dit à ma mère 'Restez en retrait, il faut que j'apprivoise Philippe'. Pendant qu'elle nous voyait marcher, avec cette femme, ma mère avait cueilli une petite branche qu'elle avait gardée dans ses mains", raconte Philippe Delerm. "Et elle s'était surprise à la retrouver dans ses mains en prenant le train du retour vers Paris. Cette branche, aujourd'hui, est dans mon bureau", explique-t-il. "Pour moi, elle est aussi la preuve que ma mère n'est pas morte et que la vie est un relief aussi avec les gens qu'on a aimés."

Les lignes écrites par l'ancien enseignant font aussi la part belle aux sensations vécues : un parfum de glace, des bonbons particuliers introuvables aujourd'hui, le sentiment d'euphorie lors de l'oral de son Capes (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) sur Madame Bovary ou encore une soirée d'été qu'il juge "parfaite". "On se dit que c'est simple et reproductible, et en même temps on sait que ça ne se passera qu'une fois dans l'été. Tout ça est un peu paradoxal : un sentiment d'éternité qui est lié au temps qui passe." Des petits détails qui font le relief de la vie, dont on savoure encore plus l'importance en ces temps de crise sanitaire.