INTERVIEW - Camille Chamoux dans «Les Randonneuses» : «C’est magique d’avoir des héroïnes en protocole de chimio en prime time sur TF1»

Camille Chamoux
Camille Chamoux est à l'affiche des "Randonneuses" dès ce soir sur TF1 © © C. G. JERUSALMI / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1
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Solène Delinger , modifié à
Camille Chamoux est l'une des six héroïnes de la série "Les Randonneuses", dont les premiers épisodes sont diffusés dès ce lundi soir sur TF1. Dans cette dramédie, l'actrice de 45 ans joue le rôle de Patty, une jeune femme qui s'est fait des amies en protocole de chimio. Avec ses acolytes, Patty se lance le défi de partir en randonnée à l’assaut du Dôme de la Lauze, un sommet de près de 4.000 mètres, pour honorer la mémoire d’Eve, une copine de chimio décédée. Un défi physique pour ces six femmes qui refusent de se laisser abattre par la maladie. Et, c'est avec beaucoup d'humour et sans aucun pathos que "Les Randonneuses" dresse leur portrait et fait changer notre regard sur les personnes atteintes d'un cancer. Une mini-série lumineuse et nécessaire que Camille Chamoux défend avec passion, elle qui souhaite donner de la visibilité à toutes les femmes qui n'en ont pas et créer de nouvelles représentations. Interview. 

Qu'est-ce qui vous a le plus touchée dans le scénario des Randonneuses ?

Absolument tout : ces héroïnes qui sont touchées par le cancer et qui sont néanmoins drôles et attachantes et séduisantes. Mais aussi le mélange de mélo et de comédie que je trouve parfaitement réussie, tout comme le principe de solidarité et de sororité qui est très fort dans la série. C'est vraiment magique d'avoir des héroïnes en protocole de chimio en prime time sur TF1.

La série rend ces femmes visibles, elles qui sont si peu représentées à l'écran…

Exactement. Et c'est le principe même de Patty, mon personnage, qui sort de l'invisibilité le jour où elle apprend qu'elle a un cancer. Elle s'habille de manière très sexy et j'adore cette dynamique qui veut dire : on ne nous mettra pas dans un placard, et ce n'est pas parce qu'on est malades que l'on doit disparaître aux yeux de la société.

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© © C. G. JERUSALMI / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1

 

Patty est quelqu'un de très à l'écoute, qui s'occupe des autres filles. Est-ce que vous vous reconnaissez en elle ? 

Enormément car je me ressource avec l'énergie d'autrui. Je suis vraiment une extravertie. Patty a aussi ce truc extrêmement fort qui est d'être très pudique sur ses propres douleurs, ses propres sentiments, mais de trouver le moyen de les dépasser en se connectant ou en aidant les autres. Elle est très réservée sur elle-même, sur ses propres histoires et je trouve cette pudeur très belle. 

Patty a effectivement un secret : elle est amoureuse d'Eve, une de ses amies de chimio, qui décède tragiquement. Elle n'a malheureusement pas eu le temps de lui révéler ses sentiments. Comme elle, est-ce que ça vous est déjà arrivée de ne pas réussir à dire je t'aime ? 

Oui c'est quelque chose que j'ai déjà vécu. Le regret de ne pas avoir dit son amour est ce qu'il y a de pire dans la vie. Le risque, quand on dit à quelqu'un qu'on l'aime, c'est qu'il ne nous aime pas en retour, mais le risque de ne pas parler, c'est l'isolement.

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© © C. G. JERUSALMI / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1

Les Randonneuses aborde également un sujet de société très complexe qui fait débat aujourd'hui en France : la fin de vie. Votre personnage Patty décide en effet de respecter le choix de son amie Eve de partir sans acharnement thérapeutique. Pourquoi c'était important d'en parler ? 

Parce qu'il est nécessaire de savoir parler des limites de la société, et la mort en fait partie. Je trouve que la série aborde le sujet de manière très délicate. Mon personnage ne souhaite pas que ça arrive, elle est désolée et dégoûtée. Mais, elle comprend que ce n'est pas son choix mais le choix d'Eve est qu'il faut l'accompagner là-dedans. Pour moi, elle fait le trajet que devrait faire la société. L'écoute ultime, c'est ça, c'est d'accepter que quelqu'un veuille mettre fin à ses souffrances. 

Quel était votre rapport à ce sujet-là avant de jouer dans la série ? 

Comme pour beaucoup de gens, ce sujet fait partie de ma vie. J'ai une belle mère que j'adore et qui lutte contre la maladie depuis cinq ans. Elle dédramatise énormément en rigolant avec nous. Et, c'est par elle que j'ai connu le principe des copines de chimio puisqu'elle s'est fait une extrêmement bonne amie lors de son traitement. Je ne savais pas qu'il existait des protocoles où les mêmes femmes viennent aux mêmes heures, et qui de ce fait commencent à partager une solidarité et un humour commun autour de cette expérience dramatique. 

Dans Les Randonneuses, les personnages qui ne sont pas malades ont du mal à dire le mot "cancer". Pourquoi est-ce toujours tabou de parler de la maladie ? 

Je pense que le cancer, comme la mort d'ailleurs, fait partie des sujets que la société occidentale met un peu au placard et qu'elle a longtemps invisibilisé. C'est donc hyper important et salvateur d'en faire une fiction, qui plus est avec de la comédie dedans. 

Pourquoi l'humour est-il si important pour aborder un sujet aussi grave ? 

Parce qu'on peut tout faire passer avec l'humour. Pourquoi les gens vont-ils s'attacher à ces personnages et pourquoi vont-ils être capables de considérer comme héroïques ces femmes malades ? Tout simplement parce qu'elles sont drôles. Et, leur humour permet d'ouvrir les esprits, les regards et les oreilles, de faire tomber les peurs, les angoisses, les réticences, pour ensuite faire passer un message extrêmement bouleversant. De toute façon, tout le monde fait des blagues. Ce n'est pas parce que vous vivez dans la rue que vous n'avez plus le sens de l'humour. Le rire est la meilleure façon d'avaler les pires choses de la vie. 

Les héroïnes sont drôles mais aussi très impressionnantes physiquement. Elles gravissent une montagne et ne baissent jamais les bras… 

Oui, ce sont des femmes au sommet de leur capacité de résistance, au sommet de leur vie alors qu'elles ont l'air, sur le papier, d'être au fond du trou. Elles défient leurs limites physiques et psychologiques sans rage mais avec un véritable enthousiasme.  

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© © C. G. JERUSALMI / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1

 

 

Comment s'est passé le tournage pour vous ? Était-il très intense physiquement ? 

C'est vrai que ce tournage était très physique et sans confort mais c'était parfait pour ressentir un tout petit peu le défi physique que représente cette randonnée pour les personnages. J'ai vraiment pris ces conditions comme un atout. 

Vous qui êtes une vraie Parisienne, ce tournage en pleine nature a peut-être dû vous donner envie de vous mettre au vert... 

Non, car c'est par mon métier que je prends l'air et que je voyage. La montagne est devenue très importante dans ma vie depuis que j'ai tourné deux étés de suite à la montagne. Je comprends hyper bien comment la connexion à la nature peut ressourcer des personnes en dépression ou malades. C'est quelque chose d'extrêmement ressourçant, qui fait complètement passer vos problèmes au second plan, et qui vous reconnecte à quelque chose de très fondamental. 

Comment avez-vous construit votre complicité à l'écran avec les cinq autres actrices ? 

On a eu une super rencontre avec les filles et ça n'aurait pas été possible autrement vu le sujet que nous défendions. Il n'était pas question d'avoir des problèmes d'ego sur ce tournage. Toutes les filles qui se sont embarquées dans cette aventure l'ont fait pour les bonnes raisons. Ce projet était de toute façon hyper fédérateur. On a toutes envie de jouer des personnages qui sont sous-représentés et de donner des possibilités d'identification à des femmes qui souffrent dans la vraie vie. 

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© © J-F BAUMARD / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT /TF1

Votre propos est très politique. Est-ce vous vous considérez comme une actrice engagée ? 

Une chose est sûre : je ne jouerai plus jamais un rôle qui n'est pas capital dans ce qu'il défend. Je suis devenue particulièrement radicale à ce sujet depuis cette année. Il faut offrir de nouvelles représentations car c'est comme ça que la société change. C'est ça mon engagement, et il se trouve dans mon œuvre. 

Comprenez-vous la décision d'Adèle Haenel de renoncer à sa carrière d'actrice par engagement ? 

Je comprends profondément et fondamentalement sa décision. Il y a plein de manières d'être engagé. Il y a, comme elle le fait, le boycott. Et il y a, comme je tente de le faire, l'idée de créer des représentations nouvelles.