Frederic Beigbeder : "La mort, c'est démodé, il faut guérir de cette maladie"

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A.D , modifié à
Dans La Voix est livre, l'auteur d'"Une vie sans fin", explique son refus de la mort et interroge les liens entre science et littérature.
INTERVIEW

Dans Une vie sans fin, le nouveau roman de Frédéric Beigbeder, le héros ressemble beaucoup à son auteur : même âge, même milieu. Le personnage n'est pas écrivain mais animateur télé du 'Chemical show'. Un jour, sa fille prend conscience que les gens meurent. Elle demande s'il en sera de même pour son père. Celui-ci répond que non. Surtout pas lui. Parce que lui "ne voit pas l'intérêt de mourir". Dans l'émission La voix est livre, samedi sur Europe 1, l'écrivain a expliqué qu'il était d'accord avec son narrateur, voire qu'ils se confondaient.

"Je suis un médecin frustré". "Bien sûr, je ne vois pas l'intérêt de mourir. Ce truc est absurde. Il rend notre vie parfaitement vaine. Pour moi, la mort, c'est démodé. Il faut guérir de cette maladie", lance l'auteur. "Il faut résoudre ce problème d'urgence", ajoute-t-il, en choisissant le contre-pied de la fatalité. "Par paresse, l'humanité se dit 'On va tous y passer', je crois que c'est de la flemme, il faut s'attaquer au problème à la racine. C'est ce que font beaucoup de chercheurs, scientifiques."

Le personnage va à leur rencontre. C'est aussi ce qu'a fait l'auteur. "Je suis un écrivain sérieux, j'ai fait mon enquête, j'ai passé trois ans à voyager. Beaucoup de médecins ont été des grands écrivains mais on ne dit pas qu'il y a beaucoup d'écrivains qui sont des médecins frustrés. Moi, je suis un médecin frustré. Un médecin, c'est plus utile, peut-être", songe Beigbeder.

"Pourquoi une fiction là où la réalité est plus incroyable ?". Il aurait pu opter pour la science-fiction pour aborder son sujet, à la Frankenstein. "Ça a déjà été fait. Il y a aussi Dracula, aussi Dorian Gray, Peter Pan. Le thème de la longévité humaine angoisse les écrivains depuis toujours. Moi l'originalité, c'est qu'on est dans une phase de découvertes tellement incroyables dans ce domaine de l’espérance de vie qu'il m'a semblé plus original de traiter le même sujet avec des vraies avancées, de vraies informations sur la médecine du futur." Sans oublier que les auteurs sont aujourd'hui rattrapés par la réalité. "La science est tellement imaginative, beaucoup de choses deviennent possibles, y compris la vie éternelle. Donc, pourquoi une fiction là où la réalité est plus incroyable ?".

Incroyable mais peut-être pas toujours bénéfique. La littérature s'accompagnait d'ailleurs souvent d'un message de mise en garde face à cette science toute-puissante. Message qui n'est donc pas écouté. "La littérature est impuissante en ce qui concerne la science. La science avance, on ne l'arrête jamais", décrit l'auteur avant de donner un exemple :" George Orwell (l'auteur de 1984, ndlr.) ne pouvait pas imaginer que les gens seraient heureux de sacrifier leur jardin secret pour quelques likes."