César 2018 : le sacre de "120 battements par minute"

Antoine Reinartz (second rôle), Robin Campillo (scénario et film) et Nahuel Pérez Biscayart (espoir) ont fait briller "120 battements par minute".
Antoine Reinartz (second rôle), Robin Campillo (scénario et film) et Nahuel Pérez Biscayart (espoir) ont fait briller "120 battements par minute". © Philippe LOPEZ / AFP
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Primé au Festival de Cannes, acclamé par la critique et chaleureusement accueilli par le public, "120 battements par minute" a terminé sa belle carrière par un triomphe aux César avec six statuettes, dont celle du Meilleur film.

Quelle consécration pour 120 battements par minute ! Le triomphe attendu du film coup de poing de Robin Campillo sur la lutte d'Act Up contre le sida a bien eu lieu vendredi soir lors de la 43ème cérémonie des César. Déjà auréolé du Grand Prix au Festival de Cannes, 120 battements par minute a dominé la soirée de bout en bout, depuis le premier César, remis au jeune Pérez Nahuel Biscayart, jusqu'au tout dernier récompensant le Meilleur film. Entre-temps, l'équipe du film a été appelée sur scène à quatre reprises, pour un total de six César, un de plus que le concurrent Au revoir là-haut.

Triomphe pour Robin Campillo. Le sacre de 120 battements par minute, vu par 800.000 spectateurs en salles, est d'abord celui d'un homme, le réalisateur Robin Campillo, personnellement récompensé à deux reprises pour le montage et le scénario. En revanche, le César du Meilleur réalisateur lui a échappé pour atterrir dans l'escarcelle d'Albert Dupontel, pour son travail virtuose sur Au revoir là-haut. Cette personnalisation du succès du film n'est pas anodine, tant le cinéaste s'est engagé corps et âme dans le projet. Robin Campillo a attendu plus de vingt ans pour filmer le début de la lutte contre le sida, à travers le combat de l'association Act Up.

De l'aventure Act Up, il a restitué les opérations spectaculaires à coups de jets de poches de faux sang, les débats tendus pour décider des actions à mener, des positions à adopter et des avancées médicales. Philippe Mangeot, ancien président d'Act Up, a participé au scénario. Mais Robin Campillo montre aussi le sexe, l'amour, les gay pride et les soirées exutoires au son de la house music, dont le tempo donne son titre au film. De la mort, il est bien évidemment question, mais c'est surtout le combat contre l'indifférence, les laboratoires et la maladie qui passe au premier plan.

"Silence = mort". Le passage sur scène de Robin Campillo pour recevoir son César du Meilleur scénario original restera comme l'un des grands moments de la cérémonie. Le réalisateur de 55 ans s'est fendu d'un long discours politique. "Tous les thèmes dont on parlait à l'époque, c'est-à-dire les toxicos, les prostituées, les étrangers - on dit plutôt migrants aujourd'hui, sont toujours d'actualité 25 ans après", a-t-il asséné. "Pour les toxicos, certes il y a eu les échanges de seringue qui ont fait baisser le taux de séropositivité chez les usagers de drogue. Mais on reste dans la loi de 1970, c'est l'interdit absolu, le tout répressif. On continue de mettre en danger les usagers et il n'y a aucun impact sur les trafics."

Il s'est ensuite attardé sur la situation dramatique des migrants. "Ça fait 15 ans que le problème des migrants perdure mais depuis un an le traitement vis-à-vis d'eux est encore plus brutal. Je dois vous dire que la loi qui va être votée bientôt sera encore pire. On va pouvoir enfermer plus facilement, plus longuement et expulser plus rapidement les migrants. Il est temps d'entendre les associations, sur tous les sujets, car comme il y a 25 ans, silence = mort", a martelé le réalisateur.

Deux acteurs dans la lumière. Là où de nombreux films sur l'épidémie du sida, qui a fait des ravages dans la communauté homosexuelle, s'attardent sur des destins individuels, 120 battements par minute a fait le pari du collectif, avec un casting de jeunes inconnus. Une volonté récompensée par des nominations pour quatre acteurs du film, dont deux finalement césarisés. Nahuel Pérez Biscayart, qui incarne Sean, un jeune gay expansif mais malade, a logiquement reçu le César du meilleur espoir masculin. Le comédien franco-argentin de 31 ans a dédié son prix à Act Up et "à tous ceux et celles qui mènent des combats aujourd'hui, qui ne reçoivent pas de prix, qui ne sont pas reconnus pour leurs luttes". "Par exemple, en Argentine en ce moment, les femmes se battent pour que l'avortement soit enfin légal", a-t-il ajouté.

Quant à Antoine Reinartz, qui interprète Thibault, leader inquiet d'Act Up, il a été récompensé par le César du Meilleur acteur dans un second rôle. "Ce prix c'est les jeunes de 20 ans qui ont vu leur rêve balayés. Ce prix, c'est celui de ces rêves écrasés, déchus mais aussi tout ce que vous en avez fait", a-t-il déclaré en recevant sa statuette. Enfin, en plus du montage, 120 battements par minute a glané un autre César "technique", celui de la Meilleure musique originale, remis à Arnaud Rebotini.