"Avoir le cafard", une expression mélancolique née de l'arabe et de Charles Baudelaire

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Stéphane Bern, édité avec Alexis Patri
Dans l'émission d'Europe 1 "Historiquement vôtre", Stéphane Bern se penche sur les racines d'une expression du quotidien. Lundi, il s'intéresse pour nous à l'origine d'"avoir le cafard", une formule pour exprimer sa tristesse qui nous vient à la fois de la langue arabe et des poèmes de Charles Baudelaire.

Stéphane Bern propose chaque jour, dans Historiquement vôtre avec Matthieu Noël, de partir à la découverte de ces expressions que l'on utilise au quotidien sans forcément connaître leur origine. Lundi, l'animateur nous explique les racines de l'expression "avoir le cafard", une formule qui exprime la mélancolie, comme le blues du dimanche soir, et que l'on doit à la fois au poète Charles Baudelaire et au vocable religieux de la langue arabe.

Quel est le rapport entre les cafards et la tristesse que l'on ressent quand on "a le cafard" ? Bien que l'insecte rampant ne soit pas connu pour son caractère festif, l'origine de cette expression est un peu plus complexe. À l’origine, le mot "cafard" vient de l'arabe "kafir", qui désignait un mécréant, soit une personne peu croyante. Dans la France du 16e siècle, le mot était d'ailleurs utilisé dans ce sens.

Sachant que Dieu est lumière, les personnes qui évoluaient dans les ténèbres ont naturellement été surnommés "cafards", tout comme les insectes qui, fourbes, grandissent dans les coins sombres et agissent de façon sournoise. Le verbe "cafarder" venait alors compléter ce portrait péjoratif rattaché à ce mot.

Cafard ou grillons selon la rive du Rhin

Mais c'est Charles Baudelaire qui va en réalité populariser cette analogie entre l'insecte et l'état d'esprit dans la langue courante. Dans Les fleurs du Mal, le poète maudit écrit à propos du démon :

"Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art, la forme de la plus séduisante des femmes.

Et, sous de spécieux prétextes de cafard, accoutume ma lèvre à des philtres infâmes."

Charles Baudelaire, à qui l'on doit également l'invention du "spleen", était un expert dans le champ lexical de tout ce qui plombe le moral. D’ailleurs c'est aussi ce poète du 19e siècle qui a dit "La vie a une fin, le chagrin n’en a pas". Voilà de quoi avoir le cafard. Ou les grillons.

Car c'est cet animal qu'retenu la langue allemande, dans laquelle on exprime sa mélancolie en disant que l'on "a attrapé des grillons". En Roumanie, on dit "être tombé dans un puits à mélancolie", une expression qui n'est pas animalière, mais qui a le mérite d'être claire.