Anglais, jardinage et prises de bec : la naissance du tube "Le Sud", de Nino Ferrer

Le sud nino ferrer
Nino Ferrer a mis plusieurs années avant de sortir "Le Sud". © photo Gilbert Moreau / Lecoeuvre Photothèque
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Fabien Lecoeuvre
UN JOUR UN TUBE (5/34) - Tout l'été, Europe 1 vous propose de découvrir chaque jour une chanson qui a marqué l'été. Aujourd'hui "Le Sud", de Nino Ferrer.

L’un des tubes de l’été 1975 reste incontestablement "Le Sud", de Nino Ferrer. Mais avant de grimper aux premières places des hit-parades, ce titre a eu une histoire un peu compliquée. Après trois années passées en Italie, Nino Ferrer revient vivre en France à partir de 1971. Il s’installe alors à Rueil-Malmaison, dans la banlieue ouest de Paris, dans une grande maison blanche de style colonial. "La Martinière", comme elle est nommée, lui rappelle l’Italie et la Nouvelle-Calédonie, où il a passé une partie de son enfance. Et c’est précisément dans cette maison, où il a emménagé, qu’il compose "Le Sud". 

Pour la mélodie, il s’inspire de la musique country américaine qu’il apprécie beaucoup, et particulièrement de Neil Young. Comme sur cette musique, des paroles en anglais s’adaptent mieux, il décide au départ de l’écrire en anglais sous le titre "South". Son texte parle déjà de sa nouvelle maison et de son environnement au milieu des grands arbres, des fleurs et de la verdure.

Le label de Nino Ferrer refuse une chanson en Anglais

Cette première version est enregistrée en novembre 1973, aux Studios Trident, à Londres. On retrouve d’ailleurs dans ce premier enregistrement toute l’influence des productions anglo-saxonnes de l’époque avec beaucoup de réverbération et de cordes, comme dans les disques des Beatles ou de T.Rex.

Nino Ferrer envisage que "South" soit le premier titre d’un nouvel album qu’il prépare avec sa nouvelle compagne, une danseuse et actrice américaine Radiah Frye (oui, la mère de Mia Frye). Seul problème : le contrat de Nino Ferrer avec le Label Barclay arrive à son terme en 1974. Comme ses précédents albums n’ont pas bien fonctionné, la maison de disques n’est pas très pressée de prolonger son contrat avec l’artiste. Et quand Nino, leur dit que son nouvel album, intitulé Nino and Radiah, sera exclusivement en anglais, ils refusent catégoriquement de prendre le risque de le publier.

Nino Ferrer décide alors de quitter Barclay et de signer un nouveau contrat avec CBS. A la demande insistante de son nouveau Label, Nino Ferrer accepte, après bien des discussions, d’enregistrer une version française de South qui devient Le Sud. Pour l’écriture des paroles en français, Nino part d’une histoire vécue : au printemps 1973, il avait décidé de se mettre au jardinage et avait commandé 300 rosiers livrés par caisses de dix. 

"Ici le temps dure longtemps"

Mais seulement un mois plus tard, en dépit de l’intérêt porté à cette nouvelle passion, aucun rosier n’avait encore été planté. Quand des amis venaient chez lui et voyaient ces centaines de rosiers qui germaient dans des caisses, ils demandaient toujours à Nino pourquoi il ne les mettait pas en terre. A cela, Nino répondait avec cette jolie formule pleine de poésie, qu’il mettra d’ailleurs dans sa chanson : "Ne vous en faites pas, ici, le temps dure longtemps."

Ayant la réputation d’être un perfectionniste, plus de dix versions de la chanson "Le Sud" seront enregistrée entre l’Olympic Studios à Londres et le Studio CBE de la rue Championnet, à Paris. Lors de la prise de voix, à CBE, Nino Ferrer ira même jusqu’à se battre physiquement avec son complice de toujours, l’ingénieur du son Bernard Estardy, qui avait d’ailleurs débuté sa carrière en accompagnant Nino à l’orgue. Un désaccord au départ pour quelques
notes dans l’introduction musicale et pour le nombre de couplets dans la chanson. Nino trouvait que l’enregistrement d’Estardy faisait beaucoup trop variété. Mais Bernard Estardy ne cédera pas et terminera la chanson.

Qu'à cela ne tienne, Nino Ferrer décide alors de payer lui même un nouvel enregistrement à Londres, avec l’arrangeur des premiers albums d’Elton John. Finalement, toujours pas satisfait de cette énième version, Nino accepte de publier celle d’Estardy. Le disque 45 tours sort au printemps 1975 et se vendra à plus d’un million d’exemplaires durant l’été.