Alexandre Jardin : "Je m'en suis sorti en m'inventant une vie"

"J'ai énormément menti. J'essayais de sublimer ma vie car elle était catastrophique", raconte lundi Alexandre Jardin sur Europe 1.
"J'ai énormément menti. J'essayais de sublimer ma vie car elle était catastrophique", raconte lundi Alexandre Jardin sur Europe 1. © Europe 1
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Clémence Olivier , modifié à
Lundi, au micro d'Anne Roumanoff sur Europe 1, Alexandre Jardin se livre sur sa vie et sur les raisons qui l'ont poussé à écrire son dernier livre "Le roman vrai d'Alexandre". 
INTERVIEW

Pendant longtemps, l'écrivain et cinéaste Alexandre Jardin a été "allergique à la vérité". Lundi, au micro d'Anne Roumanoff, sur Europe 1, il raconte pourquoi il a choisi de se mettre "réellement" à nu dans son dernier ouvrage Le roman vrai d'Alexandre. "Ce que je raconte dans ce livre, c'est l'histoire de tous ces êtres qui essayaient de me ramener vers la réalité", confie-t-il.

"J'ai énormément menti. J'essayais de sublimer ma vie car elle était catastrophique. Je mentais pour sauver ma peau dans une enfance strictement impossible. Quand votre maman aime trois ou quatre hommes qui ont leur chambre à la maison, c'est très compliqué. Ils se battaient pour elle. Ça peut paraître romanesque mais dans la réalité, c'est violent surtout quand vous êtes le gamin au milieu de ça. Je découvrais aussi que mon grand père était en fait le directeur de cabinet de Pierre Laval et que tous les amis de la famille avaient été payés par les SS comme agents de renseignements. Je découvrais un cauchemar", assure l'écrivain.

"Quand papa est mort alors que j'avais 15 ans on m'a expédié en Irlande. Là-bas, j'ai essayé de me noyer. Et quand on m'a repêché cet été là j'ai menti à tout le monde, j'ai commencé à m'inventer un papa que je n'avais jamais eu. J'ai inventé des souvenirs imaginaires. Je m'en suis sorti en m'inventant une vie", poursuit-il. 

"J'écrivais une littérature de fuite du réel"

Cette vie fantasmée, il l'a raconté dans plusieurs ouvrages comme Le zubial ou Ma mère avait raison. "J'écrivais une littérature de fuite du réel. J'écrivais sur des héros qui proposaient une vision de l'amour qui n'existe pas. J'avais établi mes quartiers dans un monde féerique", ajoute-t-il.

En 2011, il fait pourtant un premier pas vers la réalité en publiant Des gens très bien, un livre dans lequel il raconte le passé vichyste de son grand-père et son déni. Le militantisme social lui a aussi permis de renouer avec la vérité. "L'engagement m'a fait complètement changé de vie, ça m'a rendu amoureux de la vie", assure l'écrivain qui a notamment participé à la création des associations Lire et faire lire et Mille mots.  

"Ça fait très peur car il faut renoncer à ses défenses"

Cette prise de conscience et ce besoin de dire la vérité a également changé les rapports avec ses proches, explique Alexandre Jardin. "Ça fait très peur car il faut renoncer à ses défenses et ma carapace était très épaisse. J'ai traversé 30 ans de dépression. Comme j'étais poli, je souriais de manière mécanique mais en réalité, j'allais très mal car j'étais absent. "Dire la vérité, c'est pourtant extraordinaire, il faut le faire", insiste l'écrivain. "Quand vous faites ça, vous faites du bien à tout le monde. Vous reprenez contact avec vos propres enfants qui vous voyaient produire un personnage public. Tant qu'on n'est pas un bloc de vérité, le bonheur n'est pas possible".