Quatre jeunes renvoyés en procès pour des projets d'actions violentes mêlant néonazisme et jihadisme

© MAGALI COHEN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
  • Copié
avec AFP // Crédit photo : MAGALI COHEN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Deux juges d'instruction antiterroristes ont ordonné des procès pour "association de malfaiteurs terroriste" à l'encontre quatre jeunes, âgés de 16 à 20 ans. Ils sont soupçonnés d'avoir préparé des attentats. Ils comparaîtront devant le tribunal correctionnel et devant le tribunal pour enfants. 

L'un voulait partir en Syrie, deux autres glorifiaient Hitler et le nazisme, tous trois dialoguaient par messagerie cryptée avec une quatrième personne rêvant de faire sauter une église : quatre jeunes "immatures", soupçonnés d'avoir préparé des attentats, seront jugés prochainement à Paris. Deux juges d'instruction antiterroristes ont ordonné jeudi des procès pour "association de malfaiteurs terroriste" devant le tribunal correctionnel et devant le tribunal pour enfants, a appris l'AFP vendredi de sources proches du dossier.

Elle tenait un cahier noirci avec "les lieux de la haine"

Les audiences, dont les dates ne sont pas définitives, pourraient se tenir respectivement en février et mars. Ces quatre jeunes interpellés au cours de l'année 2021 se voient reprocher des projets radicaux, parfois vieux de deux ans. Au centre du dossier, Leila B., 20 ans, dont l'interpellation à Béziers (Hérault) avait fait grand bruit. En garde à vue, elle a reconnu avoir notamment "pensé" à mettre une bombe dans l'église Notre-Dame de la Réconciliation de Béziers, d'après l'ordonnance signée jeudi dont l'AFP a eu connaissance.

À son domicile a aussi été retrouvé un cahier noirci d'adresses rassemblées sous le titre "les lieux de la haine" : un restaurant oriental, un centre culturel juif, une église protestante... Spécificité de ce dossier hybride et inclassable, on lui reproche d'avoir possédé ou fait circuler "de la documentation de propagande et de tutoriels de fabrication d'explosifs" provenant de l'État islamique, mais aussi de l'ultradroite : photographie de Samuel Paty, recette d'explosif TATP, mode opératoire jihadiste pour tuer à l'arme blanche, croix gammées, etc.

 

En garde à vue, celle qui s'est dite "partisane d'aucune idéologie" a justifié cela "par sa fascination de la mort, de la décapitation, de la violence et sa passion pour les armes". "Difficile à cerner" pendant l'instruction, "inquiétante" en détention, elle sera jugée deux fois, par le tribunal correctionnel et par le tribunal pour enfants, selon que les faits qui lui sont reprochés ont eu lieu avant ou après sa majorité. "Ça ne me paraît pas du tout conforme à une bonne administration de la justice", a déploré son avocat, Me Dylan Slama, contacté par l'AFP.

Ils ont reconnu vouloir commettre un acte semblable "Columbine"

Sur le banc des prévenus figurera côté néonazisme un garçon âgé de 16 ans à l'époque, interpellé dans le Haut-Rhin, le seul à n'être pas détenu dans ce dossier, mais aussi un tout juste majeur, Enzo T., que les enquêteurs ont arrêté en Seine-Maritime. L'avocat de ce dernier n'a pas réagi. Tous deux ont reconnu avoir voulu commettre une action violente, du type "Columbine", donc dans un établissement scolaire, avec l'idée de se venger chacun d'un harcèlement passé. Une mosquée a aussi été évoquée.

Mais les magistrats ont aussi et surtout retenu leur forte imprégnation idéologique à l'extrême droite. Leur action était envisagée à la date anniversaire de la mort d'Adolf Hitler. Tous deux admiraient la théorie du grand remplacement, mais aussi plusieurs auteurs de tueries de masse attribuées à l'extrême droite, parmi lesquels Anders Breivik (Norvège, Utøya, 2011, 77 morts), Brenton Tarrant (Nouvelle-Zélande, Christchurch, 2019, 51 morts) ou Dylan Klebold (États-Unis, Columbine, 1999, 13 morts).

 

Côté jihadisme ? Un fils de bonne famille, un "petit génie qui a vrillé" selon une source proche du dossier, interpellé à Paris et dont l'avocat n'a pas voulu réagir. Entre ses 16 et 18 ans, il est soupçonné d'avoir voulu rejoindre en zone irako-syrienne le groupe d'Omar Diaby affilié à Al-Qaïda, il proposera à Leila B. de l'épouser et de l'accompagner, mais aussi d'avoir alimenté la Biterroise en documentation sur les explosifs.

S'il "déclare l'avoir dissuadée de commettre un attentat", cet administrateur d'une chaîne de propagande Telegram a admis une certaine "sympathie" pour le groupe État islamique et pour plusieurs attentats, comme celui du 11-Septembre ou celui contre Samuel Paty. Les procès seront l'occasion d'interroger les profils, les motivations et la jeunesse de chacun des mis en cause, alors que des mots similaires apparaissent dans leurs expertises psychiatriques : "immaturité" d'abord, mais aussi persécution ou victimisation, etc.

Dans ce genre de dossier, résume un magistrat antiterroriste, "on se demande si l'idéologie n'est pas un prétexte et si le moteur n'est pas la fascination pour les tueries de masse". Mais le risque, avance un autre, "c'est que quelqu'un à mi-chemin entre un engagement radical et un grand mal-être puisse se muer en tueur de masse".