Narcotrafic : une association de magistrats «consternée» des reproches du garde des Sceaux

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L'association des magistrats instructeurs s'est dite  "consternée" des récents échanges à Marseille entre le garde des Sceaux et des magistrats entendus par une commission d'enquête sur le narcotrafic. "Il est sidérant qu'un garde des Sceaux puisse reprocher" à un juge d'instruction de "'faire le jeu' de tel ou tel mouvement politique lors d'un témoignage sous serment devant les élus de la Nation", estime-t-elle.

"La liberté de parole" d'un juge d'instruction "ne saurait être entravée par des considérations politiques", s'alarme samedi l'association des magistrats instructeurs, "consternée" des récents échanges à Marseille entre le garde des Sceaux et des magistrats entendus par une commission d'enquête sur le narcotrafic.

 

"L'Association française des magistrats instructeurs (Afmi) a pris connaissance avec consternation des échanges survenus le mardi 19 mars 2024 au tribunal judiciaire de Marseille entre le garde des Sceaux et les magistrats ayant participé à la récente commission d'enquête sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France", écrit-elle dans un communiqué. "Il est sidérant qu'un garde des Sceaux puisse reprocher" à un juge d'instruction, qui est "un magistrat du siège" donc "non soumis à (son) autorité hiérarchique" et "dépolitisé dans l'exercice de ses fonctions", de "'faire le jeu' de tel ou tel mouvement politique lors d'un témoignage sous serment devant les élus de la Nation", estime-t-elle.

"Il ne s'agit pas de faire de défaitisme"

À Marseille mardi, le président Emmanuel Macron, qui était notamment accompagné de son ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, a annoncé le lancement d'opérations dites "Place nette XXL" en France afin de "porter un coup d'arrêt aux trafics de drogues". Cette visite surprise du chef de l'État est intervenue deux semaines après que des magistrats marseillais ont tiré la sonnette d'alarme face à la puissance du narcotrafic, devant la commission d'enquête sénatoriale.

"Je crains que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille", avait notamment estimé l'une des magistrates, vice-présidente du tribunal chargée de la coordination de la section JIRS Criminalité organisée de l'instruction. "Notre collègue juge d'instruction de Marseille a dépeint avec courage, lucidité et sincérité sa perception de l'état du narcotrafic dans le sud de la France. Elle (...) s'est exprimée sur l'état de la menace et sur les enjeux pour y répondre", relève l'Afmi.

"Il ne s'agit pas de faire de défaitisme que de dire que nous sommes en train de perdre la lutte contre le narcobanditisme, et contre la criminalité au sens large, si les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux", ajoute l'association, pour qui la récente réforme de la police nationale, "n'est pas de nature à répondre aux enjeux judiciaires de la lutte contre la délinquance du haut du spectre". "Dans ce contexte, les opérations 'Place nette' qui mobilisent, de façon ponctuelle, des moyens considérables de policiers sur la voie publique ne peuvent être suffisantes pour endiguer le narcotrafic", selon l'Afmi.