Publicité
Publicité

Le parquet national antiterroriste se dessaisit de l'enquête sur les attaques contre les prisons

William Molinié avec AFP - Mis à jour le . 3 min

21 suspects sont présentés vendredi à des juges à Paris en vue de leur mise en examen pour des attaques contre des prisons et agents pénitentiaires, a indiqué le parquet national antiterroriste (Pnat) qui se dessaisit de cette enquête.

Au moins huit des 21 suspects présentés vendredi à des juges d'instruction chargés de la criminalité organisée à Paris ont été mis en examen, l'enquête ayant démontré que les attaques contre des prisons et des agents pénitentiaires étaient imputables aux narcotrafiquants. Les premiers mis en examen ont commencé à passer devant un juge des libertés et de la détention qui doit statuer sur leur placement en détention provisoire, requis par la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), seule désormais à conduire les investigations.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

"C'est un dossier d'une ampleur considérable. Sa dimension publique, politique est écrasante pour tous les mis en examen", a réagi auprès de la presse l'avocate de l'un d'eux, Helin Köse. "Il faudra que l'instruction mette en exergue avec précision la responsabilité de chacun, mon client à titre d'exemple n'avait aucune idée de l'ampleur des activités de ce groupe et les condamne fermement", a-t-elle ajouté.

Les avocats Marine Follet et Matthieu Mineo se sont réjouis du dessaisissement du Parquet national antiterroriste (Pnat) : "On est sur de la criminalité organisée classique". Parmi les 21 suspects, dont deux mineurs et sept déjà incarcérés, figure "celui qui est susceptible d'être le créateur du premier compte Telegram intitulé DDPF (Défense des prisonniers français) et rédacteur du texte de revendication diffusé sur cette chaîne, mettant en cause la condition carcérale", soulignent dans un communiqué commun le Pnat et la Junalco.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

Déjà en détention, condamné pour des infractions de droit commun, il doit être prochainement jugé "pour des faits liés au narcobanditisme marseillais, proche de la DZ Mafia". Le groupe DDPF, totalement inconnu, avait publié vidéo et menaces sur cette messagerie cryptée, qui a fermé le canal. "Trois relais probables des actions violentes de 'DDPF', également inscrits dans la grande criminalité" et en détention, ont aussi été identifiés.  Ces "donneurs d'ordres" ont désigné "des cibles (...) parmi les agents et les établissements pénitentiaires (...), et auraient sollicité des relais hors les murs, pour recruter des exécutants, parfois leur donner les moyens d'agir, et les rémunérer à cette fin", est-il détaillé.

Les investigations "ont mis en évidence un mode opératoire similaire, déployé de façon répétée : à partir d'un mot d'ordre d'action donné par l'instigateur du mouvement 'DDPF' sur une chaîne Telegram, des offres d'actions ont été diffusées et relayées sur les réseaux sociaux, des exécutants ont été recrutés et sont passés à l'acte, moyennant une rémunération significative", relate le communiqué. "Ce mode opératoire correspond à celui désormais habituellement employé par les organisations criminelles", est-il ajouté.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

Coup de filet

Au total, 30 personnes ont été interpellées entre lundi et mercredi lors d'un vaste coup de filet dans toute la France. Sept gardes à vue ont été levées.  Un mineur de 16 ans a été mis en examen et incarcéré à Lyon pour "des incendies aux abords des maisons d'arrêt" de Corbas et Villefranche-sur-Saône (Rhône), selon son avocat, Hervé Banbanaste. La procédure, qui concerne également un majeur, n'a pu être liée avec l'enquête principale.

L'information judiciaire ouverte vendredi par la Junalco pour notamment association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et de délits et tentative de meurtre en bande organisée porte sur une quinzaine d'actions menées contre des prisons et des agents pénitentiaires à partir du 13 avril. Ce jour-là, à Agen, est apparu pour la première fois le tag "DDPF" près de sept voitures incendiées sur le parking de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (Enap).

La suite après cette publicité

S'en est suivie une série d'incendies de voitures, de personnels pénitentiaires un peu partout en France, des tirs de mortiers d'artifices sur des prisons, voire des tirs de Kalachnikov comme à Toulon. L'enquête porte aussi sur des tirs par arme à feu et des jets de deux cocktails Molotov le 21 avril dans un lotissement en Isère où résident des agents pénitentiaires, près de la prison de Saint-Quentin-Fallavier.

"La très grande criminalité organisée"

Dès le 15 avril, le Pnat s'est saisi de l'enquête, mais à l'issue du coup de filet, "il n'apparait pas que ces actions coordonnées procèdent d'une entreprise terroriste dont l'objet aurait été la commission d'infractions ayant pour seul but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".

Les pistes de l'idéologie radicale violente et de l'ingérence étrangère, "pleinement explorées", ont été abandonnées. "En revanche, les investigations ont permis d'inscrire résolument ces actions dans la très grande criminalité organisée", selon le communiqué. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait imputé dès le début les attaques à la criminalité organisée alors que le Parlement a définitivement adopté mardi une proposition de loi destinée à renforcer la lutte contre les narcotrafiquants.