Comment Rudi Garcia a transformé l'OM

Un an et demi après son arrivée sur le banc marseillais, force est de constater que Rudi Garcia a fait passer un cap à l'OM, à l'image de sa saison européenne.
Un an et demi après son arrivée sur le banc marseillais, force est de constater que Rudi Garcia a fait passer un cap à l'OM, à l'image de sa saison européenne. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Un an et demi après son arrivée sur le banc marseillais, Rudi Garcia ne fait plus débat. Jeudi soir, son OM s'est qualifié pour la finale de la Ligue Europa. Le technicien n'y est évidemment pas pour rien.

10 septembre 2017. Deux semaines après une claque 6-1 reçue à Monaco, Marseille sombre à nouveau face à Rennes (3-1), lors de la 5ème journée de Ligue 1. Dans les travées du stade Vélodrome, les "Garcia démission" bourdonnent. Sept mois plus tard, l'OM est en finale de la Ligue Europa et toujours à la lutte pour le podium en championnat. La roue a visiblement tourné. Principal artisan de cette métamorphose ? Rudi Garcia. Lui-même.

Suivez le "guide". Lors de son arrivée sur la Canebière, il y a un an et demi, l'ancien coach de l'AS Rome avait prévenu : "Je serai le guide et le garant de la bonne marche, de la cohésion et de la performance de cette équipe. Au-delà de comment on jouera et de quelle manière on jouera, je pense que la priorité, c'est que les joueurs montrent de la confiance, de l'enthousiasme et de la joie de jouer". Cinquième du championnat à la fin de son premier exercice, le natif de Nemours a encore fait passer un cap à l'équipe olympienne cette saison, comme il l'avait déjà fait à Lille (2008-2013), avec un titre de champion de France à la clé.

Un ajustement tactique salutaire. Garcia a le sang-froid. Toujours bouillant sur son banc de touche, parfois glacial en interview, le coach marseillais n'est pas vraiment le genre à se remettre en question. Mais cette fameuse défaite automnale face au stade Rennais a eu valeur de déclic chez lui. Fini le 4-3-3, trop déséquilibré, place au 4-2-3-1, avec Dimitri Payet en meneur de jeu. Depuis, seuls Lyon, deux fois, et le PSG, une fois, ont fait tomber l'OM en championnat.

Une séquence résume à elle seule toute sa rigueur tactique. Marseille affronte alors… le Stade Rennais, au Roazhon Park. À la 26e minute, Florian Thauvin obtient un penalty et prend le ballon pour le frapper. Garcia, lui, prend des notes, plus concentré sur son carnet que sur le déroulé de la partie. C'est tout juste s'il lève la tête pour s'apercevoir que l'attaquant vient d'échouer face à Tomas Koubek. Mais cette fois, l'OM s'impose 3-0.

Un état d'esprit de guerrier. Le technicien, âgé de 54 ans, n'est pourtant pas à ranger du côté des dogmatiques. Si l'OM s'est métamorphosé, c'est aussi grâce à l'état d'esprit totalement Champion's project-compatible qu'il a su insuffler à son groupe. Une histoire de confiance, là encore. "J'ai toujours cru qu'on allait se qualifier. Même si on était mené 1-0, 2-0, voire même 3-0", a-t-il ainsi lâché après l'exploit des siens, jeudi soir face à Salzbourg.

 

Des leaders sur qui s'appuyer. "C'est dans l'ADN de cette équipe d'aller jusqu'au bout, d'y croire jusqu'au bout", a-t-il ajouté au terme de cette folle nuit autrichienne. Dans le sien aussi. Pour cela, Rudi Garcia s'est appuyé sur des leaders. Patrice Evra en était un, assurément. Son départ précipité après son coup de pied à un supporter n'a pas changé grand-chose de ce point de vue là. Dimitri Payet a récupéré le brassard de capitaine. Adil Rami, qui évoluait déjà sous ses ordres dans le Nord, ou Luiz Gustavo, recruté l'été dernier, sont aussi devenus le ciment du vestiaire.

Des replacements bienheureux. "Tonton Pat'" ayant fait ses valises, Garcia a néanmoins dû bricoler. Dépourvu d'alternative à Jordan Amavi dans le couloir gauche de la défense, il y essaie le droitier Hiroki Sakai et repositionne Bouna Sarr en tant que latéral droit. Résultat : l'ailier de formation, autrefois raillé par le Vél, s'épanouit comme une fleur. À tel point qu'il pourrait bientôt être la surprise de la liste des Bleus pour la Coupe du monde en Russie. Dans le même registre, Luiz Gustavo, plutôt habitué à jouer en milieu récupérateur, a brillamment fait le boulot en défense centrale quand il s'est agi de dépanner, comme cela a été le cas jeudi soir. Autant de joueurs prêts à accepter des sacrifices pour le bien collectif. Une façon de rendre à Garcia toute la confiance que celui-ci leur accorde.

Une question de confiance mutuelle. Dans les colonnes de France Football, l'ancien Lillois Aurélien Chedjou évoque ainsi le lien particulier que le technicien de l'OM sait instaurer avec son vestiaire. "Je me souviens d'une fois où j'avais des problèmes personnels. Il m'avait reçu pendant une heure et donné des conseils que j'utilise encore aujourd'hui. Il m'avait surtout dit de partir les résoudre plutôt que de m'entraîner. Rudi comprend et écoute ses joueurs. Après ça, t'as envie de mourir pour lui sur un terrain", confie l'actuel défenseur de Basaksehir, en Turquie.

De l'art de tirer le meilleur de ses joueurs. "Il est très bon dans le management. Il tire le meilleur de tout… Mitroglou, par exemple, avait de grandes difficultés. Il est arrivé à le remettre en confiance et il met maintenant des buts importants", notait aussi récemment Albert Emon, ancien entraîneur de l'OM, dans La Provence. Malgré des débuts ô combien compliqués, le Grec est revenu du diable Vauvert en 2018, en inscrivant un but toutes les 27 minutes. Même s'il s'est blessé le week-end dernier face à Angers, il est désormais particulièrement apprécié par le public du Vélodrome.

Coaching gagnant. Et avec une saison aussi éreintante que celle de l'OM -  58 matches disputés, plus que toute autre équipe en Europe - Garcia a toujours su maintenir son groupe concerné. Ses coachings ont fait mouche contre Salzbourg. À l'aller, Clinton Njie marque trois minutes seulement après son entrée en jeu. Au retour, Rolando délivre le peuple bleu ciel et blanc un quart d'heure après être sorti du banc.

"Pour moi, on ne souligne pas assez sa saison exceptionnelle : s'il était un grand entraîneur étranger, on n'arrêterait pas de le complimenter. Il a toujours protégé son groupe, positif, imperméable dans la tempête, comme en début de saison, solide capitaine du bateau. À l'OM, il a perdu des batailles, mais jamais la guerre", s'enthousiasmait dans L'Équipe l'ancien Marseillais Bafetimbi Gomis, juste avant cette double confrontation européenne.

"L'un des meilleurs entraîneurs français". "Ça fait des années que je dis qu’il est l’un des meilleurs entraîneurs français !, a pour sa part souligné Rolland Courbis, lui aussi ancien coach de l'OM, cette semaine dans La Provence. "C’est une évidence. Il l’est depuis Lille. J’ai suivi son parcours à l’AS Rome, où il a aussi réalisé beaucoup de bonnes choses". Loin de Rennes, loin des doutes, Rudi Garcia fait aujourd'hui partie des nommés pour le trophée UNFP de meilleur entraîneur de la saison, avec le Dijonnais Olivier Dall'Oglio, le Parisien Unai Emery et le coach de l'AS Monaco Leonardo Jardim.

Le 16 mai prochain, il disputera sa toute première finale européenne, contre l'Atlético de Madrid. Une récompense, oui. Un aboutissement, non. "C'est une vraie satisfaction d'aller en finale mais ce n'est pas une fin en soi, on n'a rien gagné encore. On sera outsiders, mais on aura le sourire que si on remporte la Ligue Europa. Sur un match, tout est possible". L'exigence, toujours. Et la confiance.