Sanofi IROZ GAIZKA / AFP 2:26
  • Copié
Séverine Mermilliod
Le laboratoire Sanofi a été mis en examen lundi soir pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires" dans l’affaire de la commercialisation de l’anti-épileptique de référence Dépakine. Charles Joseph-Oudin, avocat de l'Apesac, une association de victimes, souhaite que cela encourage Sanofi à "assumer sa responsabilité".

Il aura fallu plus de trois ans d'enquête. Lundi soir, le groupe pharmaceutique Sanofi a indiqué avoir été mis en examen pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires" dans l'affaire de la Dépakine, un anti-épileptique commercialisé par le laboratoire. La molécule prescrite pour des personnes souffrant d'épilepsie et de troubles bipolaires peut entraîner des malformations chez le foetus. Charles Joseph-Oudin, avocat de l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac) qui avait lancé une procédure en 2016, considère que "Sanofi reste dans une position de déni". 

Le laboratoire "refuse d'indemniser les victimes"

"On parle de plusieurs milliers de victimes, entre 14.000 et 30.000 liées à ce médicament", assure l'avocat. "Et aujourd'hui, le laboratoire Sanofi reste dans une position de déni de responsabilité, refuse d’indemniser les victimes", regrette-t-il.  "En ce sens, la procédure pénale, avec cette mise en examen est un moment important, cette procédure doit ramener le laboratoire Sanofi à la raison, dans l’intérêt des victimes."

L'enquête ouverte en septembre 2016 visait à établir s'il y avait eu "tromperie sur les risques inhérents à l'utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l'être humain", sur la période allant de 1990 à avril 2015. La Dépakine et ses dérivés ont provoqué depuis 1967 des malformations congénitales graves chez 2.150 à 4.100 enfants, selon une évaluation de l'ANSM et de l'Assurance maladie, mais des épidémiologistes estiment un nombre de victimes plus élevé. L'Apesac, elle, représente 4.000 personnes, pour moitié des enfants malades.

"Les victimes, aujourd'hui, sont dans l’attente que le laboratoire assume sa responsabilité, c'est-à-dire prenne en charge les blessures, les handicaps des victimes qui sont extrêmement graves", rappelle Charles Joseph-Oudin.

Une "situation catastrophique" pour Sanofi qui assure avoir fait preuve de transparence

Sanofi pour sa part a déclaré dans un communiqué lundi soir que cette mise en examen serait l'occasion de montrer qu’il a fait preuve de transparence, et a assuré qu'il "continuera de coopérer pleinement avec les autorités judiciaires". "Le laboratoire Sanofi essaye de s’en sortir, mais en réalité la situation est catastrophique pour lui", réagit l'avocat. "Les rapports d’expertise s’accumulent, la loi, même, est venue rappeler que dès 1984 le laboratoire savait qu’il existait des troubles neuro-développementaux associés à son produit".

L'Inspection générale des affaires sociales a estimé, dans un rapport de février 2015, que Sanofi et l'Agence nationale du médicament n'avaient pas suffisamment considéré les risques et a regretté "une certaine inertie des autorités sanitaires nationales, de l'agence européenne et des laboratoires en matière d'information des prescripteurs comme des patientes."