Comment Frédéric Chatillon pilote encore la campagne de Marine Le Pen

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Sébastien Krebs avec VDM , modifié à
Malgré sa mise en examen suite à la campagne de 2012, l'influent proche de Marine Le Pen est toujours très présent. Un choix assumé par le FN.
L'ENQUÊTE DU 8H

Le Front national est, comme Les Républicains, englué dans une affaire de financement illégal de la campagne de 2012. Une dizaine de proches de Marine Le Pen ont été mis en examen, notamment le principal prestataire de la campagne 2012, qui imprimait les tracts et les affiches du FN. Riwal, cette agence de communication présidée par Frédéric Chatillon et qui a travaillé pour la campagne de Marine Le Pen il y a quatre ans, n'a plus le droit, en vertu de son contrôle judiciaire, de travailler pour les campagnes du FN. Par conséquent, qui travaille aujourd'hui pour la candidate frontiste en vue de 2017 ?

>> Europe 1 a enquêté sur l'entourage qui travaille aujourd'hui dans l'ombre de Marine Le Pen ?  Premier constat : malgré les affaires, ce sont toujours les mêmes. 

Frédéric Chatillon toujours présent. L’homme qui est au cœur de cette affaire de financement illégal lors de la campagne 2012 est encore présent dans l’entourage de Marine Le Pen. Frédéric Chatillon est un ami de la présidente du FN depuis la fac. Aujourd'hui, il est mis en examen pour notamment "faux et usage de faux", "escroquerie", "abus de biens sociaux" et "blanchiment" pour des présumées surfacturations de kits de campagne en 2012. Il est également accusé d’avoir potentiellement détourné 10 millions d'euros d'argent public, via l'association de Marine Le Pen, "Jeanne".

Il était même à Fréjus. Frédéric Chatillon est là à chaque rendez-vous, à chaque meeting. "En ami", nous a-t-il dit ce week-end à Fréjus, "en simple militant". Et pour cause, son contrôle judiciaire lui interdit, comme à son entreprise Riwal, d'entretenir toute "relation commerciale avec le FN dans le cadre des élections". Et pourtant, on l'a bien vu, ce week-end, parfois même en coulisses.

Riwal a imprimé les affiches de Brachay. Encore plus étonnant, c'est bien son entreprise Riwal qui a imprimé les affiches pour la rentrée politique de Marine Le Pen à Brachay, début septembre. Le rendez-vous de Brachay, en Haute-Marne, était bien le lancement de la campagne de Marine Le Pen. Et à cette occasion, le numéro de la société apparaît en tout petit sur les affiches.

Et à Fréjus ? Impossible de dire qui a imprimé les affiches. On a cherché, et cette fois, le numéro de l'imprimeur n’apparaît pas. C'est pourtant obligatoire... Mais curieusement, le tout nouveau slogan de la campagne de Marine Le Pen ("Au nom du peuple") a été déposé par une proche de Frédéric Chatillon, Sighild Blanc, elle aussi liée à Riwal et mise en examen dans la même affaire.

Entendu sur europe1 :
Pour l’instant, aucun de nos prestataires est condamné à quoi que ce soit. Je ne vois pas pourquoi notre présidente les remettrait en question

D’autres entreprises gravitent autour du FN. Le week-end dernier, il y avait notamment une agence de communication, E-Politic, créée par une jeune pousse du FN, d'à peine 26 ans. C’est cette agence qui a lancé le nouveau site Marine2017 et qui se chargeait à Fréjus de relayer la communication de la candidate sur les réseaux sociaux.

Des sociétés domiciliées à la même adresse… Cette société est domiciliée à la même adresse, dans le 16e arrondissement de Paris. A la même adresse où est installée l'association de Marine Le Pen, Jeanne, elle aussi mise en cause dans l'affaire de 2012. A la même adresse également qu'une autre agence d'événementiel, "La Patrouille de l'événement", dirigée par deux proches de Frédéric Chatillon. 

Erer

… et qui appartiennent au même groupe. Ces deux entreprises ont un point commun : elles sont toutes détenues, en partie, par le groupe Erer. Erer, une holding qui est aussi la maison mère... de Riwal. Et quand on y regarde de plus près, ce groupe Erer détient 70% de Riwal, 23% de La Patrouille de l'Evénement et 37% de E-Politic. Et à qui appartient Erer ? A Frédéric Chatillon à 99%. Voilà comment, indirectement, Frédéric Chatillon continue de travailler pour la campagne de Marine Le Pen.

Est-ce légal ? Malgré son contrôle judiciaire en vigueur, une question s’impose : est-ce légal ? Une chose est sûre, les magistrats ne sont pas dupes de ces petits arrangements. Mais dans leur esprit, le contrôle judiciaire vise surtout à l'empêcher d'imprimer à nouveau du matériel électoral. Et ils y sont très attentifs.

Le FN assume tout. Quand on pose la question au Front national, le choix est assumé. Frédéric Chatillon est perçu comme indispensable. Il connait la mécanique d'une campagne comme personne et il y a peu de professionnels en qui le FN peut avoir confiance. "Par définition, la mise en examen ne suffit pas la culpabilité", défend Jean-Lin Lacapelle, un des cadres du FN. "Pour l’instant, aucun de nos prestataires est condamné à quoi que ce soit. Je ne vois pas pourquoi notre présidente les remettrait en question". Et d’assumer encore un peu plus : "elle fera appel surtout aux meilleurs prestataires. Donc si en 2012, nous avions de bons prestataires, elle renouvellera peut-être son appel d’offres".

Et selon nos informations, Marine Le Pen tient bien à garder Frédéric Chatillon à ses côtés. Elle lui a proposé d'être salarié de la campagne, à titre personnel, pour ne pas impliquer sa société Riwal, et contourner ainsi le contrôle judiciaire imposé par les juges.

Suite à la publication de cet article, Frédéric Chatillon a fait savoir à Europe 1 qu'il n'avait "aucune intention de contourner son contrôle judiciaire". Il précise également que les "sociétés qu'[il] dirige ou qui sont sous [sa] dépendance n'interviendront ni directement, ni indirectement dans les campagnes à venir du Front national".