À travers le projet "Green Blood", des journalistes poursuivent le travail de leurs confrères assassinés ou emprisonnés. 6:46
  • Copié
Tiffany Fillon
Dimanche soir, France 5 diffuse en prime time une série de documentaires réalisés par le collectif de journalistes Forbidden Stories. Au fil de ces enquêtes, regroupées sous le nom "Green Blood", ils reprennent le travail de leurs confrères qui, à travers le monde, ont dénoncé des scandales environnementaux liés à l'industrie minière. Invités dans "Culture médias", les journalistes Alexis Marant et Jules Giraudat, à l'origine du projet, ont décrit vendredi les sévices et les injustices subis par ces journalistes.
INTERVIEW

Ces dix dernières années dans le monde, au moins treize journalistes ont été assassinés alors qu'ils enquêtaient sur des scandales environnementaux, selon le Committee to Protect Journalists. Ce constat est à l'origine du projet Green Blood, mis en place par Forbidden Stories, un collectif de journalistes internationaux. D'abord publiée en juin dans plusieurs journaux à travers le monde, cette série d'enquêtes a été adaptée en plusieurs documentaires. Quatre épisodes seront diffusés dimanche, à 20h50, sur France 5. Philippe Vandel a reçu vendredi deux journalistes de Forbidden Stories, qui ont porté cette initiative.

Tous deux travaillent pour le collectif Forbidden Stories que Jules Giraudat décrit comme un "réseau de journalistes d'investigation internationaux" qui réunit "différentes rédactions comme Le Monde, Radio France, The Guardian ou encore The New York Times. Il s'agit, selon lui, de "reprendre le travail de journalistes qui ont été assassinés pour essayer de contre-enquêter sur leur mort et de poursuivre leurs enquêtes".

Dans le cadre du projet Green Blood, les équipes de Forbidden Stories ont suivi cette démarche, en s'intéressant cette fois aux journalistes "inquiétés, emprisonnés, censurés et parfois même assassinés parce qu'ils essayent de dénoncer des scandales environnementaux", explique Alexis Marant. "On part du terrain, de la base, et on remonte toute la chaîne de responsabilités autant que possible."

Brûlé à vif

La mafia du sable en Inde, c'est le sujet du premier épisode diffusé dimanche soir. Il débute par une vidéo, sur laquelle on voit un homme nu et totalement brûlé. "Ils m'ont attaqué. Ils m'ont aspergé d'essence pourquoi ne m'ont-ils pas seulement arrêté ? Pourquoi ont-ils voulu me tuer ?", s'indigne-t-il dans une vidéo diffusée dans le documentaire (voir ci-dessus). Cet homme s’appelait Jagendra Singh. Ce journaliste indien travaillait dans l'Uttar Pradesh, la région la plus peuplée de l'Inde. Il est mort en 2015 dans des circonstances suspectes.

"Il avait pour habitude de s’attaquer aux cas de corruption. Il était sur la piste d'un ministre de l'État de l'Uttar Pradesh qui avait commis plusieurs faits de corruption", explique Alexis Marant. Après avoir dénoncé plusieurs fois ses agissements, Jagendra Singh s'est penché sur la compromission de ce "ministre dans les mafias du sable locales", ajoute le journaliste. "C'est là que les choses ont probablement dérapé", selon lui.

Une entreprise russe pointée du doigt

Une semaine plus tard, Jagendra Singh décède. Une enquête est ouverte mais elle conclut que Jagendra Singh s'est suicidé. Au cours de leur enquête, les journalistes de Forbidden Stories ont rencontré un avocat, qui n'épargne pas le ministre. "Toutes les personnes impliquées dans le trafic travaillaient pour lui et collectaient l'argent pour lui", a-t-il affirmé aux journalistes. "Tous les policiers et l’administration étaient sous son contrôle. Il n'a plus autant de pouvoir politique mais en tant que mafieux, il est toujours aussi puissant."

Autre affaire, décryptée dans le deuxième épisode de Green Blood. Elle a lieu au Guatemala et concerne la plus grande mine de nickel du pays, "détenue par un groupe russe" et qui "contamine à la fois l'air et l'eau", selon Jules Giraudat. Les pêcheurs des alentours ont ensuite "essayé d'alerter les autorités", poursuit le journaliste. Des policiers ont été envoyés, selon lui, et des civils sont "morts après des manifestations". Carlos Choc, le reporter qui a révélé cette affaire, vit désormais dans la clandestinité, ciblé par un mandat d'arrêt.

En poursuivant son enquête, les journalistes ont mis au jour la corruption des autorités, qui "protègent les entreprises et ne sont pas au service des populations", d'après Alexis Marant.