En Russie, un référendum d’une semaine voulu par Poutine… avec une tombola

La validation du référendum voulu par Vladir Poutine est quasi acquise.
La validation du référendum voulu par Vladir Poutine est quasi acquise. © Grigory SYSOYEV / Host photo agency / AFP
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Didier François et Léa Leostic, avec AFP
Depuis jeudi et jusqu’au 1er juillet, les Russes sont appelés aux urnes pour valider les modifications constitutionnelles voulues par Vladimir Poutine, qui lui permettraient de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2036. Et pour motiver les électeurs à aller voter, une tombola a même été organisée.
DÉCRYPTAGE

La Russie vote depuis jeudi et jusqu'au 1er juillet pour un référendum devant permettre à Vladimir Poutine de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2036, et au passage inscrire ses idéaux conservateurs dans la Constitution. Ce vote interpelle pour plusieurs raisons : il va s’étendre sur une semaine et sera doublée d’une tombola qui a pour but de motiver les électeurs à se rendre aux urnes. Europe 1 vous explique ce scrutin pour le moins original. 

Un référendum constitutionnel pour permettre à Poutine de rester au pouvoir

La réforme voulue par le président russe l’autoriserait à rester au Kremlin deux mandats de plus, soit jusqu'en 2036, l'année de ses 84 ans. En l'état du droit, Vladimir Poutine aurait dû se retirer de la présidence en 2024. Du fait de l'épidémie et de l'absence d'accès des voix discordantes aux médias, la campagne contre la réforme n'a jamais décollé. Les rassemblements prévus en avril n'ont pas eu lieu, confinement oblige. La campagne officielle a, elle, pu se tenir.

Des responsables politiques ont dans l'intervalle insisté sur l'importance de donner à Vladimir Poutine la possibilité de rester. Dimanche, à la télévision, le dirigeant russe a dit ne pas avoir encore décidé s'il resterait au Kremlin après 2024, mais que lui en donner la possibilité était essentiel. "Autrement (...) tous les regards se mettront en quête de successeurs potentiels", a-t-il déclaré.

Une popularité en forte baisse 

Si la validation de la réforme est quasi acquise (la constitution révisée est déjà en vente dans les librairies), elle intervient alors que la popularité de Vladimir Poutine a souffert d'une réforme décriée des retraites et de la crise du coronavirus. Selon l'institut indépendant Levada, de mai 2018 à mai 2020, son taux d’approbation est passé de 79% à 59%. Outre la question des mandats, le président renforcerait avec ce vote certaines prérogatives, comme les nominations et limogeages de juges. A cela s'ajouterait une indexation des retraites, la "foi en Dieu" inscrite dans la Constitution et le mariage comme institution hétérosexuelle. Ces principes, censés fédérer les Russes, sont au cœur du système de valeurs patriotiques conservatrices du chef de l'Etat russe.

A Moscou, la campagne d'affichage sur la réforme ne mentionne d'ailleurs pas Vladimir Poutine et ses mandats, mais insiste sur ces thématiques sociétales avec des slogans comme "pour une retraite garantie", ou cet appel à "sauvegarder les valeurs familiales".

Un vote d'une semaine sous haute surveillance

La date formelle de la "consultation populaire" est le 1er juillet, mais les autorités ont ouvert les bureaux de vote dès le 25 juin afin d'éviter une trop forte affluence, en raison de la pandémie de coronavirus. Masques et gel désinfectant sont mis à disposition des quelque 110 millions d'électeurs répartis sur les 11 fuseaux horaires russes. De Vladivostok, en Extrême-Orient, à Moscou des électeurs ont glissé les premiers bulletins masqués et gantés. Dans de nombreuses villes, tables et urnes ont été installées à l'air libre officiellement pour minimiser les risques d'infection, suscitant des moqueries en ligne et nourrissant les accusations de falsifications de l'opposition dans ces bureaux de vote de fortune. 

Dans la région du Primorié, dans l'Extrême-Orient, un bureau de vote mobile a même recueilli les votes d'habitants dans une urne posée dans le coffre d'une voiture, ont admis les autorités. D'autres images relayées par l'opposant Alexeï Navalny montrent des urnes sur des bancs publics ou dans des squares.

Une tombola pour "motiver les abstentionnistes"

Pour éviter une abstention massive, l’élection sera doublée par une vaste tombola qui permettra aux votants de gagner des bons d’achats, des smartphones, des voitures et même des appartements, ce qui est totalement assumé par les autorités locales. Pour participer au jeu, les électeurs devront scanner un code, qui permettra donc de savoir... qui est allé voter ou pas.  

Cette "incitation" n’est pas totalement anecdotique : Vladimir Poutine brigue douze années supplémentaires de pouvoir, après déjà vingt ans sans partage à la tête de la Russie. S’il veut revendiquer un minimum de légitimité,  ce référendum doit absolument ressembler, pour lui, à un plébiscite.