Natacha Polony, La Revue de presse 14.03.2016 1280x640 6:43
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La presse quotidienne revient ce lundi sur les concessions de François Hollande sur la loi travail que l'on n'appellera plus Loi El Khomri.

Ce matin en Une de vos journaux on attend toujours le verdict de la rue :
Le Figaro : Loi Travail : Jusqu’où Hollande et Valls reculeront-ils ?
Les Echos : Loi Travail : Hollande abat sa dernière carte.
L’Opinion : l’impossible compromis.
L’Humanité de son côté nous alerte sur les risques de précarisation : Allemagne, Italie, Espagne… l’intox sur leurs réformes du travail.
Et puis Libération nous révèle que les écoutes judiciaires sont en plein bug : Ecoutes : le fiasco des grandes oreilles.

Loi Travail

Les jours se suivent et les commentaires se ressemblent. "Que faut-il retenir de l’image du président de la République usant de son plus beau stylo pour réécrire un dimanche après-midi le texte de loi de son gouvernement, demande Jean Louis Hervois dans la Charente Libre. Plus qu’un symbole, l’aveu d’une impuissance". « Commencé sous le signe de la concertation sociale et des accords paritaires, constate de son côté Bruno Dive dans Sud-Ouest, ce quinquennat s’achève sur une importante loi sociale, écrite par un homme seul. Sans le minimum de travail pédagogique qui aurait été indispensable pour faire admettre à un électorat de gauche des mesures sans doute nécessaires, mais qui marque un véritable tournant et pour lequel ce pouvoir n’avait pas été mandaté ». Manque de courage, écrivent les uns, amateurisme affirment les autres "Je ne veux pas être comme le bouchon au fil de l’eau, avait confié François Hollande au début de son quinquennat", rappelle Yves Thréard dans le Figaro. Mais au moins un bouchon ça flotte.

Agriculture et Europe

C’est Libération qui nous annonce un lundi décisif pour la crise agricole française. Mais on lira surtout sous la plume de Jean Quatremer le portrait de ce commissaire européen à l’agriculture devenu la bête noire des paysans et la cible des attaques d’une Marine Le Pen soudain en verve sur les questions agricoles. L’Irlandais Phil Hogan est une caricature de ce que peut produire la commission de Bruxelles. Le cabinet de Hogan, écrit le journaliste, est une caricature : sur huit membres, on compte cinq Irlandais, une Italienne, une Espagnole et 1 Allemand. Mais aucun français. Le reste de la hiérarchie est à l’avenant. Au parlement européen, ce n’est pas mieux : puisque le FN est exclu des instances de décisions, il ne reste qu’une cinquantaine d’eurodéputés français à pouvoir occuper des postes dans les commissions. La commission agricole est donc présidée par un Polonais. A Bruxelles, sur les questions agricoles, la France ne compte guère plus que la Lituanie. Et c’est un journaliste profondément europhile qui dresse ce constat.

Promenade en France

Le magasine Technikart nous propose un voyage que plus personne n’effectue. Un voyage dans ce désert français, produit de la modernité. Hugo Septier s’est souvenu des départs en vacances de son enfance, avant la construction de l’autoroute A20 et s’est lancé dans un reportage sur la nationale 20. Des petites communes baptisées villages étapes avec leurs hôtels, leurs restaurants routiers et leurs stations-service, aujourd’hui à l’abandon. Des pans entiers du territoire que les Français ne visitent plus, le petit garage de Vatan qui vendait autrefois jusqu’à 100.000 litres d’essence à la belle saison et qui arrive à peine à 30.000. Nous ne pouvons plus léguer cette affaire à un jeune du coin, s’attriste le propriétaire, ce n’est pas rentable. Alors les jeunes s’en vont. L’autoroute, le TGV, l’avion, ont rapproché les métropoles, les destinations de rêve. Entre le point de départ et le point d’arrivée, il y a des splendeurs moins exotiques, des territoires qui meurent dans l’indifférence.

Les poules ça sert à tout

Je vous ai parlé dans une récente revue de presse de l’efficacité des poules dans la réduction des déchets. Mais la poule est un animal merveilleux. Vous l’apprendrez dans la Sélection du Reader’s Digest. Dans le Nord de l’Angleterre, une maison d’accueil pour personnes âgées a décidé de se lancer dans l’élevage de poules pour apporter un peu de gaité à ses occupants. A l’origine, un pensionnaire atteint de démence sénile et qui répétait des noms de femmes, affirmant qu’elles lui manquaient beaucoup. Il s’agissait de ses poules. L’idée : créer du lien. On s’extasie sur la diversité des races et la beauté des plumages, on s’attendrit sur les poussins perçant leur coquille. Et puis il y a cet homme rendu muet par un AVC. "Quand nous lui avons remis une poule, raconte une employée, il a commencé à la caresser avec un large sourire. Au bout d’une demi-heure, j’ai voulu la lui reprendre mais il ne la lâchait pas et avec un sourire encore plus large il a soufflé : j’aime. Sa fille a fondu en larmes, cela faisait des mois que son père n’avait pas prononcé un mot".

Dissident

Le titre comporte un point d’exclamation dans les pages débat du Figaro : il y a un Soljenitsyne en Corée du Nord. Pierre Rigoulot nous évoque le livre désormais paru en français La Dénonciation, et qui décrit avec un humour grinçant le quotidien dans le régime le plus épouvantable de la planète. On y lit ces phrases sur Marx et le communisme : "ce barbu européen a affirmé que le capitalisme est un monde d’obscurité tandis que le communisme est un monde de lumière. Si cette obscurité est une nuit sans lune le monde de lumière de ce barbu est un abîme où il fait un noir d’encre". L’auteur signe sous le nom de Bandi en coréen cela signifie luciole.

 

La revue Schnock poursuit son exploration de toutes nos nostalgies. Avec un magnifique dossier sur Philippe Noiret et son élégance désinvolte, un article sur les Brigades du Tigre et surtout cette extraordinaire enquête sur une collection que vous avez forcément rencontrée dans la bibliothèque d’un vieil oncle : la Brigade mondaine, le grand succès d’édition de la France giscardo-mitterrandienne. 263 numéros consacrés aux aventures de Corentin et Brichot et jusqu’à 10 titres par an pour pouvoir raconter des histoires improbables de tueurs psychopathes, comme celui qui grime sa victime en Mireille Mathieu et la viole en écoutant Petit Papa Noel. Ça c’est le numéro 37, Sosie sur mesure. Figurez-vous que parmi les nègres qui ont nourri la série, on trouve Philippe Muray. Travail purement alimentaire, mais bien fait. Comme quoi, un homme qui écrit dans la précipitation un texte qui aurait dû être signé par un autre, quand c’est un écrivain génial, il s’en sort. Quand c’est un président de la République, c’est moins sûr.