Natacha Polony, La Revue de presse 09.03.2016 1280x640 6:24
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La presse quotidienne revient ce mercredi sur la colère des étudiants qui manifestent aujourd'hui contre la loi travail de Myriam El Khomri.

Ce matin en Une de vos journaux, on guette les soubresauts de la jeunesse :
Libération : Loi Travail : l’ombre du CPE.
L’Humanité : 68% des jeunes contre la loi El Khomri.
Le Figaro prévient : Code du travail : le risque de la non-réforme.
Quant à l’Opinion, il ironise : "Hollande, t’es foutu, la gauche est dans la rue"
Réponse en Une du Canard Enchaîné : Hollande : « Moi aussi, je serai bientôt à la rue ».

Pendant ce temps, l’Express lance sa nouvelle formule, papier glacé, police de caractères modernisée, photos très gros plan d’Emmanuel Macron, avec col blanc et petites pattes d’oie qui suggèrent l’entrée dans la maturité : "Ce que je veux pour 2017". En gros, plus d’Europe fédérale, plus de flexibilité et plus de multiculturalisme. Quelle rupture !

Loi Travail

Les éditoriaux ce matin pointent un mouvement protéiforme. Quel patchwork, s’exclame Nicolas Beytout dans l’Opinion. "Quel rapport entre toutes ces communautés d’intérêt ? A priori, aucun : beaucoup défileront contre le projet de loi El Khomri, que celui-ci puisse, ou non, avoir un impact sur leur statut". " Le pays gronde, constate Cécile Cornudet, dans Les Echos. Il se passe quelque chose, entend-on en boucle dans les cercles gouvernementaux. Oui, mais quoi ? Personne ne le sait vraiment". Ceux qui voudront prendre un petit coup de jeune pourront lire le reportage de Marie-Estelle Pech, dans Le Figaro. La journaliste s’est invitée dans une AG de l’Université Paris-VIII. Entre le Barbu qui veut faire peur aux bourgeois et se demande ce qu’on attend pour mettre le feu et les passionarias qui réclament qu’on donne prioritairement la parole aux femmes pour neutraliser les comportements virilistes dans la prise de parole, on entre dans un monde à part. Le journal alerte sur le fait que les PME auraient le plus à perdre à une réécriture de la loi. La peur des Prud’hommes, les critères du licenciement économique, ça ne gêne pas franchement les grands groupes. Mais la question qui revient partout est celle du chômage des jeunes. Dans Les Echos, un chercheur récuse l’idée selon laquelle la jeunesse serait sacrifiée. Selon lui, ce qui explique la mobilisation des jeunes pour défendre une forte protection de l’emploi qui, de fait, pourrait conduire à rendre leur insertion plus difficile, c’est le problème du logement. Sans CDI, pas d’appartement. Pour autant, si l’on veut comprendre les conséquences potentielles de cette loi sur un travailleur lambda, le site Causeur imagine le cas de Kevin, développeur pour une petite entreprise de vente par correspondance. Une fiction avec tous les articles de loi cités et qui se termine très mal pour Kevin.

Radicalisation dans la police

La double page du Parisien est édifiante. On y évoque des fonctionnaires de police qui écoutent des versets du Coran pendant le service, qui qualifient le pantalon de leur uniforme de "saleté de torchon de la République" et se recouvrent d’un hidjab pour rentrer chez elles, ou qui expliquent que les sanctions prises contre elles pour non-retrait du voile sont un harcèlement qui prendra fin car l’Islam va dominer le monde. Cela dit, sous ce titre accrocheur, le journal relativise. 17 cas seulement entre 2012 et 2015. En général, des fonctionnaires assez jeunes, entrés en tant qu’adjoints de sécurité à la fin des années 2000 et qui ont ensuite réussi le concours interne. Sans doute, la meilleure réponse est-elle dans Libération, avec le portrait d’Ahmed Aboutaleb, maire de Rotterdam, arrivé du Maroc à l’âge de 15 ans et qui voit dans l’Islam d’Europe une chance pour l’ensemble de l’Islam car, dit-il, ici il y a pour chaque musulman la liberté d’être en accord ou non, celle de décider par lui-même ce qui est licite ou non. Inlassablement, il prône l’intégration. "Si vous décidez d’immigrer dans un autre pays, c’est un choix libre. Et vous ne pouvez pas ne pas en accepter les lois et les coutumes". Bien sûr, il a subi les assauts du parti d’extrême-droite mais il l’a désarmée aussi bien qu’il désarme les discours intégristes victimaires. Un modèle d’intégration devenant maire d’une métropole. Et chez nous ?

Europa City

C’est le nom d’un projet au nord de Gonesse, à 15 kilomètres de Paris. La Croix revient sur l’opposition d’une partie de la population locale à cet immense complexe de loisirs et de commerces imaginé par le groupe Auchan. trois milliards d’euros pour un parc aquatique, une piste de ski, des boutiques et même une ferme urbaine. Qui nécessitera bien sûr le bétonnage de plusieurs hectares de terre agricole. Tout cela dans l’indifférence générale : on ne va pas installer des cabanes et une ZAD à deux pas de l’aéroport du Bourget. Quant au maire de Gonesse, il estime que sa réélection fait office de référendum sur le projet. La COP 21 s’est tenue à quelques encablures mais elle est déjà tellement loin.

Marketing

On trouve dans Les Echos un petit article qui nous démontre qu’une société de consommation n’est jamais à court d’innovations inutiles. Lotus invente donc le papier-toilette humide. On ne dit pas « lingettes », depuis que tout le monde sait qu’elles contiennent des polluants. La responsable marketing papier-toilette Europe du sud de l’entreprise explique : "Les attentes des Français en matière d’hygiène et de fraîcheur se développent". Ils commencent à aimer la propreté donc !

 

L’autre innovation inutile, c’est dans Charlie Hebdo. Un article hilarant consacré aux nouveaux abribus parisiens, rebaptisés "abrutis". Ils cumulent tous les avantages, nous raconte Iégor Gran. Ils sont laids, d’une belle laideur bureaucratique, parfaitement en accord avec la vision playmobil qu’ont nos technocrates de ce que représente le bonheur d’attendre le bus à Paris. Mais ce n’est pas leur seule qualité. Les abrutis nouveaux laissent passer la pluie beaucoup mieux que les anciens. Des pans entiers de vitrage ont été supprimés, le toit a été surélevé. Une conception révolutionnaire. Des heures de tests en soufflerie. Des ingénieurs sortis de nos plus grandes écoles ont phosphoré sur ce magnifique projet unique au monde : un abruti qui n’abrite pas ! Les acheteurs de la Mairie de Paris ont été enthousiastes. Bien sûr, il a fallu 5 à 6 mois pour installer chaque abribus car les bornes d’information voyageurs étaient compliquées à connecter. Évidemment, on a gardé les publicités mais on a supprimé le plan des lignes de bus. Et la ville de Paris, enfin les contribuables, vont payer la modification desdits abribus. Ce qui plombe les comptes publics, ce sont les salariés trop protégés ou ce genre d’aberration ?