Espionnage : "Madame Michu n'est pas concernée"

Avec le nouveau dispositif de collecte des données personnelles prévu par la loi, l'Etat pourra retrouver la localisation d'un utilisateur de smartphones. Mais il faudra justifier toute demande auprès du Premier ministre.
Avec le nouveau dispositif de collecte des données personnelles prévu par la loi, l'Etat pourra retrouver la localisation d'un utilisateur de smartphones. Mais il faudra justifier toute demande auprès du Premier ministre. © REUTERS
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L'AVIS DE - Téléphone, Internet : le gouvernement s'apprêterait à étendre les possibilités d'espionnage. Un expert se veut rassurant.

Alors que la NSA est pointée du doigt depuis plusieurs mois pour ses pratiques en matière d'espionnage, l'État français s'apprêterait à lui emboîter le pas. C'est ce qu'a révélé lundi Le Figaro, qui affirme que le gouvernement va voter une extension des possibilités de collecter des informations numériques personnelles. Quoi de neuf dans ce dispositif d'espionnage ? Faut-il craindre pour ses données privées ? Europe1.fr a interrogé Jean-François Beuze, expert en sécurité informatique.

Que prévoit ce projet de loi de programmation militaire que s'apprête à faire voter le gouvernement ?

Jean-François Beuze Expert Sécurité

Jean-François Beuze : Il est prévu que de potentiels 'ennemis d'État' soient surveillés via leurs téléphones et leurs ordinateurs. Plus précisément, dans cette version du texte, c'est la possibilité pour les autorités de localiser en temps réel les personnes espionnées. Les écoutes ne sont pas nouvelles, mais elles n'étaient possibles qu'a posteriori jusqu'à cette loi.

Mais concrètement, que pourrait collecter le gouvernement avec cette loi ?

J-F. B. : Les traces des appels, les SMS, les e-mails et la localisation des personnes espionnées. Par exemple, avec un outil pour tracer les utilisateurs en temps réel comme le mentionne ce dispositif, peut-être que les enquêteurs auraient pu davantage anticiper les agissements de Mohamed Merah [le tueur de Montauban et de Toulouse mort en 2012 suite à l'assaut du RAID, Ndlr].

C'est vraiment inédit comme procédé ?

J-F. B. : Excepté la géolocalisation, non. Il s'agit du projet de loi de programmation militaire initié en 2008 sous le gouvernement Sarkozy et réaffirmé par François Hollande en avril dernier. On savait déjà le faire techniquement. Le fait de le rajouter à la loi actuelle n'a rien d'étonnant.

Les Français doivent-ils s'inquiéter ?

J-F. B. : Nul besoin de s'inquiéter : il s'agit d'un dispositif parfaitement encadré. Il faut le différencier de PRISM [Programme secret qui permet aux États-Unis de collecter des données auprès d'un grand opérateur téléphonique américain et critiqué pour son côté intrusif, Ndlr] car ce projet de loi a été supervisé par l'Agence nationale de la sécurité informatique (Ansi). Et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a demandé un renfort de son pouvoir auprès du ministère de l'Intérieur, pour un meilleur encadrement du contrôle des fichiers en France.

De plus, ce nouveau dispositif n'est voué qu'à être exploité dans un cadre judiciaire. En aucun cas madame Michu n'est concernée : il n'est pas question d'espionner tous les Français. D'ailleurs, la nouvelle loi pour la programmation militaire prévoit que la décision d'une éventuelle collecte de données sera désormais prise par le Premier ministre, et non plus par le ministère de l'Intérieur.

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