INTERVIEW - Golf : le «rêve de gamin» de Matthieu Pavon, premier Français à remporter un tournoi sur le PGA Tour

MATTHIEU PAVON
© Christian Petersen / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
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Cédric Chasseur , modifié à
Le golfeur Matthieu Pavon, premier vainqueur tricolore d'un tournoi dans l'ère moderne de la PGA, rayonne aux États-Unis. Il a débuté sa nouvelle carrière outre-Atlantique par trois Top-10 en quatre tournois. Europe 1 l'a rencontré. Interview.

C'est le petit français que personne n'avait vu venir aux États-Unis. Premier vainqueur tricolore d'un tournoi dans l'ère moderne de la PGA, l'équivalent de la NBA ou de la NFL pour le golf en Amérique du Nord, Matthieu Pavon rayonne de l'autre côté de l'Atlantique. Le natif de Toulouse, qui dispute sa première saison hors du sol européen, a débuté sa nouvelle carrière par trois Top-10 en quatre tournois, dont un succès donc, au Farmers Insurance Open fin janvier. Une consécration qui va mener le fils de l'ancien footballeur professionnel Michel Pavon vers les tournois majeurs, et sans doute, vers les Jeux Olympiques en France cet été. 

Matthieu Pavon, avez-vous enfin réalisé ce que vous avez accompli depuis le début de l’année ?

Pour être tout à fait honnête, je pense que je suis encore un peu sur mon petit nuage. Et je pense que je vais y être toute l'année parce que clairement, les États-Unis, pour moi, c'est un rêve, c'est un rêve de gamin. Et donc, avoir la chance de pouvoir évoluer pleinement toute cette saison et jusqu'en 2026 après cette victoire au Farmers Insurance Open, c'est quelque chose d'exceptionnel. Donc je ne suis pas sûr de redescendre de mon nuage de suite.

Comment expliquez-vous cette réussite pour vos débuts sur le circuit américain ?

Ce n'est pas quelque chose qui s'explique forcément. C'est un travail continu, qu'on a réalisé avec mes équipes depuis plusieurs années. Encore une fois, quand on travaille dur, cela finit par payer à un moment donné. Il a fallu beaucoup de patience mais c'est finalement arrivé. Je pense que depuis cette victoire en Espagne il y a six mois sur le DP World Tour (l’Acciona Open de Espana à Madrid le 15 octobre 2023), j'ai pris conscience de ce que je pouvais accomplir. On travaille vraiment dans le bon sens avec nos équipes. Je pense avoir pu un peu surfer sur cette vague-là et en avoir profité un maximum.

Est-ce que vous avez ressenti une vraie différence entre le circuit européen et le circuit américain ?

Je pense qu'il y a une densité qui est plus importante aux États-Unis. Il y a plus de bons joueurs je pense. Après, encore une fois, je pense aussi que quand on joue très bien au golf, peu importe le circuit, peu importe le tournoi, on est capable d'y performer. Et moi, mon jeu est vraiment très solide depuis le début de l'année. Donc je pense que la vraie différence se fait sentir dans des semaines où on joue un tout petit peu moins bien. Un exemple : The American Express (une semaine avant de gagner à San Diego). J'ai dû finir quarantième, et c'était loin d'être une mauvaise semaine en termes de production de jeu. C'était vraiment même plutôt très bon. Donc voilà, je pense qu'il y a une vraie densité, et tout de suite, quand on est un peu moins bien, c'est là où elle se fait ressentir.

Vous êtes même en tête du classement général de la FedEx Cup depuis votre troisième place de l’AT&T Pebble Beach Pro/Am. Est-ce que vous avez pris le temps de le regarder au moins une fois ?

Non, j'essaie de rester très loin de tous ces résultats, de tous ces classements. Je n’ai même pas l'application du PGA Tour sur mon téléphone, ni celle du DP World Tour. Ce sont des choses que je ne vois pas du tout. Bien sûr que c'est gratifiant d'être premier, mais c’est presque un peu anecdotique. On a seulement joué quatre tournois. Cette première place pourrait prendre beaucoup plus de valeur si je l’occupe encore d'ici une dizaine de tournois par exemple.

Pour l’instant vous profitez d’un peu de repos, après avoir disputé quatre tournois en quatre semaines. Vous ressentiez ce besoin de souffler un peu.

Oui, j'ai ma famille avec moi pendant quinze jours, donc cette semaine va être vraiment dédiée à eux. Passer du temps de qualité en famille. On a besoin de se voir, on a besoin de digérer tout ça, tous ensemble. Puis il y aura des ajustements en termes de calendrier, peut-être en termes d'objectifs. Donc il faut prendre le temps de s’harmoniser, que tout le monde dans mes équipes soit sur la même longueur d'onde, sur ce qu'on veut réaliser cette année, donc sur les semaines et mois qui vont suivre et, bien sûr, se remettre au travail. Après cette semaine en famille, je vais avoir quinze jours pour bien travailler, je fais venir par exemple mon coach putting avec moi pour qu'on puisse s'entraîner. Donc voilà, on essaye d’économiser de l'énergie sur cette première semaine et de bien travailler sur les quinze prochains jours pour revenir en forme sur les gros tournois qui vont arriver.

Comment s’est passée la transition entre le circuit européen et le circuit américain ? Est-ce que cela vous a demandé une adaptation particulière ?

Ça s’est très bien passé. Cela étant, je savais que j'allais être à l'aise dans cette ambiance américaine, parce que j'y avais goûté déjà sur certains tournois Majeurs. Avec l'Europe, on avait la chance de pouvoir venir jouer un ou deux tournois aux États-Unis. Et quand j'avais dix-sept ans, j'étais venu m'installer presque six mois aux là-bas pour m'entraîner pleinement. Donc je savais un peu à quoi m'attendre. Après, en termes de jeu, rien n’a changé. On a vraiment trouvé une certaine solidité en fin d'année dernière, on a juste essayé de continuer à faire les mêmes choses, les mêmes process, de se donner un peu de temps, voir si mon style de jeu, ma frappe correspondait à ces tracés américains. Visiblement, ça a très bien fonctionné. Je pense que la clé, c'était vraiment de continuer à faire ce qu'on fait, de ne pas se précipiter vers un changement ou de pas paniquer si une journée est un peu moins bonne.

Est-ce que le regard des autres a changé depuis votre victoire ?

Quand je suis arrivé, j’étais un golfeur, entre guillemets, dans la moyenne du circuit européen. Certaines personnes ne voyaient peut-être pas un potentiel aussi grand pour moi. Donc, c'est sûr que c'est un statut qui change. On sent les regards, ne serait-ce que de quelques joueurs. Des félicitations d'un Rory McIlroy qui vient me voir. Un Justin Rose qui s'assoit à table, discute avec moi et me félicite. Ce sont des choses hyper gratifiantes pour un professionnel comme moi, d'être reconnu par ses pairs et surtout par de très grands athlètes comme les joueurs que je viens de citer.

Vous faites partie d’une grande famille de sportifs. Votre père, Michel Pavon, a fait une grande partie de sa carrière de footballeur professionnel à Toulouse et à Bordeaux. Votre grand-père, Pépito, a disputé quatre saisons à l’Olympique de Marseille au début des années 1960. Comment vous êtes-vous retrouvé à jouer au golf plutôt qu’au football ?

Vous avez oublié ma maman qui est professeure de golf. Du côté de ma mère, mon grand-père a été président du golf de Nîmes Campagne. Ma grand-mère a joué au golf aussi. Donc côté maman, on a toujours été très golf. C'est ma mère qui m'a donné envie de jouer avec mes grands-parents, qui m'amenaient quand j'étais petit. Donc tout ça a fait que j'ai accroché de plus en plus avec le golf. Quand je suis arrivé vers mes 15-16ans, je me suis dédié pleinement à ce sport.

Quels sont les objectifs que vous allez vous fixer désormais ? Les portes des tournois majeurs et peut-être même les Jeux Olympiques s’ouvrent à vous !

Je ne peux pas tout dévoiler, bien sûr. C'est quelque chose que je garde assez confidentiel avec mon staff. Bien sûr que les Jeux Olympiques sont un objectif. Je crois que je suis quasiment sûr mathématiquement d’avoir gagné ma place pour disputer les JO au Golf National de Saint-Quentin-en-Yvelines. On va se concentrer sur les majeurs et les "signatures events" qui sont les plus gros tournois de l'année sur le PGA Tour. Ce seront ces tournois que nous allons cibler en priorité. Il y aura plein de belles choses à faire dans les semaines et les mois qui vont arriver.

Participer aux Jeux Olympiques en France, au Golf National, c’est quand même une opportunité unique dans une carrière ?

Oui, c'est très bien déjà d'avoir les JO en France. Je pense que notre pays a vraiment toutes les qualités pour organiser au mieux un événement de cette ampleur. Le Golf National, parcours de la Ryder Cup 2018, est difficile, exigeant. Je pense que ça va être une très belle semaine de golf et je serai très content si je fais partie de ce tournoi.

Un parcours que vous connaissez presque par cœur. Est-ce que cela peut vous donner un petit avantage ?

Je ne sais pas, je n’ai jamais vraiment performé là-bas. Malheureusement, c'est un golf qui, pour l'instant, me résiste. Mais on va essayer de préparer au mieux ce tournoi. Quand j'aurai la validation de ma qualification, on essaiera de se préparer au mieux et on donnera bien sûr tout ce qu'on a cette semaine-là pour accrocher une médaille.